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Brésil: Lula «de retour» pour prendre les rênes de l’opposition

Lula «de retour» pour prendre les rênes de l’opposition
Luiz Inacio Lula da Silva Photo: Pedro Vilela/Getty Images
Rédaction - Agence France-Presse

En attaquant avec virulence le gouvernement d’extrême droite de Jair Bolsonaro dès sa sortie de prison, l’ex-président de gauche Lula a revêtu les habits de chef d’une opposition qui était inaudible depuis la dernière élection au Brésil.

«Je suis de retour !», a lancé samedi Luiz Inacio Lula da Silva dans un discours enflammé face à des centaines de militants de gauche près de Sao Paulo (sud-est), moins de 24 heures après sa libération.

Ne semblant pas affecté par ses 580 jours de détention, l’ancien métallo de 74 ans semble prêt à en découdre avec Jair Bolsonaro, qui rêvait de le voir «pourrir en prison», et à occuper la place, restée vacante, de premier opposant.

Car jusqu’ici, le Parti des travailleurs (PT) de Lula, en panne de politique, semblait avoir «quasiment pour seul mot d’ordre» la demande de libération de son chef historique, explique Sylvio Costa, fondateur de Congresso em Foco, site internet spécialisé sur le Parlement.

«Le cacique de la gauche revient dans sa version messianique, pour tenter de réveiller une opposition en manque d’idées et de leadership», résume un éditorial paru lundi dans le quotidien Folha de S. Paulo.

«Lula va éclipser Bolsonaro pendant les semaines à venir. Il sera au centre de toutes les attentions», estime Thiago Vidal, du cabinet de consultants Prospectiva.

Le tribun Lula va parcourir le pays au contact du peuple et tiendra dimanche un premier grand meeting à Recife, capitale de son État natal du Pernambouc (nord-est).

«La question est de savoir comment Bolsonaro et son gouvernement vont réagir», ajoute M. Vidal.

Un début de réponse est arrivé dimanche, avec un tweet du général Augusto Heleno, ministre du Cabinet de Sécurité institutionnelle, considéré comme l’éminence grise du gouvernement. «Lula, par son discours, montre qui il est et ce qu’il souhaite pour le pays. Il incite à la violence en citant le Chili en exemple, s’en prend à diverses institutions (…) et insulte le président», a-t-il écrit.

Lula a effectivement exprimé samedi sa «solidarité» avec les gouvernements de gauche sud-américains, louant la mobilisation des Chiliens contre le conservateur Sebastian Pinera, «un exemple de résistance» — comme un avertissement pour Jair Bolsonaro.

Les principales critiques de l’ex-président de gauche (2003-2010) envers le gouvernement ont porté sur l’économie, l’austérité et les privatisations massives prônées par l’ultra-libéral ministre de l’Économie Paulo Guedes.

Lula, resté très populaire, notamment auprès des plus modestes grâce à ses ambitieux programmes sociaux lors des années fastes de croissance, a cité les chiffres alarmants de l’augmentation de la pauvreté et de la précarité au Brésil.

Son retour «représente un défi pour Bolsonaro, qui voit sa popularité chuter en raison du manque de réponses aux problèmes économiques», estime Vinicius Vieira, professeur de Relations Internationales de l’Université de Sao Paulo.

Toutefois, s’il a semblé particulièrement remonté à sa sortie de prison, Lula pourrait modérer son discours pour tenter de ratisser plus large et faire figure de rassembleur. Quitte à nouer des alliances contre-nature, comme il l’a déjà fait par le passé.

«Il a voulu dans un premier temps tenir un discours plus enflammé pour plaire aux militants, mais je crois qu’on va bientôt retrouver un Lula plus pragmatique, soucieux de sortir le PT de son isolement au sein de l’opposition», estime Sylvio Costa.

À sa sortie de prison sont venues de nombreuses personnalités d’une gauche plus radicale, mais aucun représentant du centre gauche incarné par Ciro Gomes, arrivé troisième à la présidentielle il y a un an. M. Gomes n’a cessé de prendre ses distances vis-à-vis de Lula et ne lui a jamais rendu visite en prison.

L’ex-président a un autre problème de taille pour une éventuelle candidature présidentielle en 2022: il a été déclaré inéligible en août 2018, au nom de la loi «Ficha Limpa» («Casier vierge») interdisant à toute personne condamnée en appel de se présenter.

Cette inéligibilité deviendrait toutefois caduque si la Cour suprême annulait la condamnation qui l’avait envoyé en prison.

Son combat politique se jouera donc également devant les tribunaux.

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