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Privés de bière, les Mexicains sous pression

bière mexique
Des réfrigérateurs sont vides à Nuevo Leon au Mexique en raison de la pénurie de bière. Photo: Julio Cesar Aguilar/AFP

Avec la propagation de la COVID-19 au Mexique, boire une bière est devenu une gageure, le breuvage s’avérant de plus en plus couteux et difficile à trouver.

Fernando Rodríguez en sait quelque chose. Après avoir écumé épiceries et supermarchés à la recherche de sa boisson préférée, il a finalement pu en dénicher mais à un coût prohibitif.

«Le peu qui restait était bien caché, au fond du supermarché. Et on m’a dit que je pouvais en acheter, mais pas au prix habituel», confie à l’AFP Fernando, 33 ans, qui travaille dans la publicité.

Pour participer comme il se doit à un apéro virtuel avec des amis, il s’est ainsi offert un «caguama», format de bouteille très prisée au Mexique de 1,2 litre, à 60 pesos (environ 2,30 euros), soit le double de son prix avant l’épidémie.

Fernando est loin d’être le seul à s’être heurté à cette nouvelle réalité mexicaine car la production de bière a cessé avec la pandémie, le gouvernement la considérant comme une activité économique non essentielle.

Face à cette pénurie, quelques-uns des 32 États de la fédération ont même instauré des horaires durant lesquels les Mexicains peuvent acheter de la bière.

Les plus grands producteurs du pays, Grupo Modelo (du géant belge Anheuser-Busch InBev) qui fabrique la célèbre Corona, et Heineken, qui produit les bières Tecate et Sol, sont à l’arrêt depuis début avril.

Un temps, les magasins ont pu écouler les stocks disponibles. Mais leurs réfrigérateurs sont désormais à moitié vides et ce qui reste est vendu très cher.

En plus des «caguama», certains revendeurs proposent des canettes de 475 mL à 25 pesos (près de 1 euro), alors qu’elles ne coûtent généralement que 17 pesos (0,65 euro).

Les consommateurs continuent pourtant d’acheter «quel qu’en soit le prix, c’est comme un cigare», explique Diana López, 47 ans, commerçante dans un quartier central de la capitale.

«C’est absurde. Tout le monde se plaint de la hausse du prix des oeufs mais pas de la bière», s’étonne Jorge Puente, 33 ans, épicier.

Réminiscence de la Prohibition

Une telle pénurie n’est pas anodine au Mexique, un pays où 70% des ménages achètent de la bière, selon le cabinet conseil Kantar World Panel.

En outre, selon la Kirin Beer University, le Mexique est le quatrième consommateur mondial de cette boisson, avec une moyenne de 68,7 litres par an et par habitant.

Dans ce contexte, le mot-dièse #ConLaCervezaNo en faveur d’une reprise de la production de bières au Mexique s’est imposé sur les réseaux sociaux, tandis qu’un marché numérique prospère, notamment sur Facebook.

«La vente est déjà entre les mains de spéculateurs et du marché noir», déplore Cuautémoc Rivera, président de l’Union nationale des petits commerçants.

Il fait valoir que la bière représente à elle seule 40% des ventes de nombreux commerces de détail dans le pays.

À Tijuana, à la frontière avec les États-Unis, des sites internet proposent le produit jusqu’à trois fois son prix d’origine.

Avec le slogan «Dernières bières au plus offrants», on «offre» un pack de 12 bières pour 400 pesos (environ 15,40 euros), alors qu’elles coûtent généralement environ 120 pesos (environ 4,60 euros).

Ces sites proposent des marques telles que Bud Light et Coors, vendues dans les villes voisines de San Ysidro et Otay Mesa, dans le comté de San Diego (États-Unis), tant aux résidents qu’aux Américains lorsque ceux-ci sont en mesure de traverser la frontière.

«Forte pression»

«Il n’y a pas de bières dans les magasins, donc les bières clandestines sont abondantes. C’est ça ou alors nous demandons à un membre de la famille aux États-Unis, ce qui revient moins cher», explique Usiel, un mécanicien auto.

À Sinaloa, fief du puissant cartel fondé par Joaquín «Chapo» Guzmán, les autorités ont démantelé des commerces illégaux créés dans des maisons et des parkings pour vendre de la bière, réminiscence de la Prohibition des années 1920 aux États-Unis.

Également à Sinaloa, où les températures atteignent à cette saison 35 degrés Celsius, certains ont transformé les coffres de leurs véhicules en mini-entrepôts pour stocker la boisson.

Selon la Chambre des brasseurs du Mexique, en 2018, ce pays produit 12 milliards de litres de bière par an.

Pour cette raison, Grupo Modelo et Heineken disent qu’ils prêtent attention au feu vert du gouvernement pour la levée des restrictions imposées par la pandémie.

Le parquet fédéral, l’instance officielle chargée de veiller aux droits des consommateurs, a estimé que la production pourrait être réactivée à la mi-mai.

«Il y a une forte pression», a déclaré son directeur, Ricardo Sheffield, à la chaîne de télévision Milenio.

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