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Les conflits en Irak et en Syrie racontés de l’intérieur

Photo: Sébastien Tanguay/Métro

L’Occident fait fausse route en misant uniquement sur la force pour défaire le djihad armé, estime Mokhtar Lamani, qui fut, à titre de chef de bureau de l’émissaire des Nations unies à Bagdad et à Damas, un témoin privilégié de la descente dans l’abîme de l’Irak et de la Syrie.

«Combattre le radicalisme est un objectif louable. Mais on ne peut pas y parvenir en misant uniquement sur une approche sécuritaro-militaire», croit M. Lamani, qui s’exprimait à Montréal, hier, à l’invitation de l’Association canadienne pour les Nations unies et de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, affilié à la chaire Raoul-Dandurand.

«Pour arrêter le détournement de toute une civilisation par des extrémistes comme État islamique, il faudra s’attaquer aux conditions socio-économiques déplorables qui prévalent dans les pays arabes, estime le diplomate d’expérience. L’ennemi est impalpable: on bombarde, mais ce sont aussi des civils qu’on tue.»

M. Lamani a démissionné de son poste à Damas il y a un an, «frustré» par le manque de volonté des différents acteurs à mettre fin à la boucherie syrienne.

La plus grande misère côtoie la normalité la plus nord-américaine dans le récit que M. Lamani fait de ses expériences à Damas et à Bagdad. «Dans certaines régions contrôlées par l’Armée syrienne libre, les gens n’avaient rien à manger, alors que dans la région voisine, tenue par le Front Al-Nosra, affilié à la nébuleuse d’Al-Qaïda, des peluches en forme de cœur étaient suspendues dans les commerces pour la Saint-Valentin», se rappelle M. Lamani. De son passage en Irak, il raconte que, dans certains quartiers de Bagdad, il était plus facile de se rendre à New York que de l’autre côté d’un fleuve au plus fort du conflit sectaire qui a ébranlé le pays une première fois en 2006.

Selon M. Lamani, toute la région est aujourd’hui «prisonnière de son passé». «Les sunnites d’Irak ont énormément souffert sous l’[ancien régime du chiite Nouri] al-Maliki. Pour eux, l’armée irakienne de l’époque était une armée d’occupation. Les gens ont une frustration énorme», rappelle le diplomate.

Aujourd’hui, État islamique revendique l’appui de la population sunnite d’Irak. «Les gens sont contre le groupe, mais ils croient que s’ils le combattent, ce sont les milices chiites qui prendront le contrôle. Or, ces dernières, dans leur progression pour ‘‘libérer’’ le nord de l’Irak, multiplient les massacres et les exactions.»

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