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Militer pour les droits LGBT là où l’homosexualité est un crime

Photo: Juliette Deshormes/Collaboration spéciale

Il milite pour l’égalité dans un pays où la différence sexuelle est passible de lapidation. Métro a parlé avec Rashidi Williams, un des seuls militants de la cause LGBT au Nigeria qui ose mener son combat à visage découvert.

M. Williams, âgé de 29 ans, était invité à Montréal par l’organisation Equitas, qui tient cette semaine un grand rassemblement auquel plus de 150 défenseurs des droits humains participent.

Le Nigeria, comme d’autres pays d’Afrique, a adopté en janvier 2014 une loi qui criminalise l’homosexualité. Comment vous a-t-elle affecté?
Cette loi est une honte pour tous les Nigérians et un désastre pour la communauté LGBT, qui est maintenant en danger puisqu’elle est perçue comme criminelle.

Cette loi est une permission pour violenter la communauté LGBT du pays. Peu de temps après son adoption, des rafles ont eu lieu dans les quartiers d’Abuja, la capitale, et des personnes soupçonnées d’être homosexuelles ont été battues. Aucun des bourreaux n’a été condamné à quoi que ce soit. Dans ce genre d’agression, ce sont souvent les victimes qui se retrouvent derrière les barreaux. Quand ce ne sont pas les policiers eux-mêmes qui procèdent à l’arrestation arbitraire de gais pour leur extorquer de l’argent en échange de leur libération.

L’homosexualité a toujours été illégale au Nigeria. Quand avez-vous réalisé que vous étiez un criminel parce que vous étiez qui vous êtes?
Dès l’instant où j’ai su que j’étais gai, j’ai eu conscience que la société qui m’entourait me considérait comme un hors-la-loi. Ç’a été dur, mais ç’a été encore plus difficile de choisir de vivre en accord avec qui je suis.

«J’ai réalisé que j’étais un criminel aux yeux de mon pays le jour où j’ai su que j’étais homosexuel.» –Rashidi Williams, militant des droits LGBT au sein de Queer Alliance Nigeria

Avez-vous déclaré votre homosexualité à vos parents?
Ma famille est composée de chrétiens et de musulmans. Ça n’a été facile pour personne d’accepter ma différence, mais ma famille devait le faire, car c’est ce que je suis. Maintenant, elle m’aide à porter le fardeau de mon militantisme. Si les autres familles montaient au front avec nous pour faire face au gouvernement et lui dire «Vous n’avez aucun droit de criminaliser mon fils pour sa façon d’aimer», les choses changeraient.

Comment s’explique l’intolérance face à la communauté LGBT qui semble imprégner la société africaine?
Ça n’a rien à voir avec la culture. La religion y est pour beaucoup, et ce sont des religions imposées par le colonialisme. Les colons, avec elles, ont apporté leur homophobie en Afrique.

Loi du 13 janvier 2014

L’ancien président nigérian Goodluck Jonathan a signé le 13 janvier 2014 une loi très répressive contre les minorités sexuelles. Elle prévoit jusqu’à 14 ans de prison pour les homosexuels trouvés «coupables» d’avoir eu des relations sexuelles.

Dans les 12 États du pays où est appliquée la charia, le même «crime» est passible de mort par lapidation. Aucune loi interdit la discrimination basée sur l’orientation sexuelle au Nigeria. Le Same Sex Marriage Prohibition Act contrevient à la constitution du pays, qui garantit à chaque citoyen l’égalité devant la loi, et à plusieurs traités auxquels il a adhéré, selon Human Rights Watch.

Deux poids, deux mesures

Le Nigeria n’est pas le seul pays du continent africain à avoir adopté des lois similaires au Same Sex Marriage Prohibition Act. L’Ouganda et la Gambie ont également adopté des mesures discriminatoires envers les personnes à l’orientation et à l’identité sexuelle différentes. Les États-Unis ont imposé des sanctions à ces deux pays, mais pas au Nigeria, un pays plus riche et plus important sur le plan géostratégique.

«Je suis déçu par cela, confie Rashidi Williams à Métro. Ça reflète non seulement qu’il y a deux poids, deux mesures en matière diplomatique, mais aussi en matière de droits humains.»

Les conséquences de lois comme le Same Sex Marriage Prohibition Act sont pourtant graves et nombreuses pour les minorités sexuelles au Nigeria.

«Peu après l’adoption de la loi, 14 hommes ont fait irruption dans un quartier d’Abuja pour s’en prendre à des gens qu’ils soupçonnaient d’homosexualité, entrant par effraction dans leur domicile pour les humilier et les frapper, raconte M. Williams. Ce climat de peur qui s’instaure en pousse plusieurs à vivre leur amour dans la clandestinité.»

Dans un Nigeria qui est le troisième pays le plus affecté par le virus du VIH au monde, nombreux sont les homosexuels qui n’osent plus aller consulter leur médecin ou qui ne vont plus recevoir leur traitement.

«Nous avons constaté une baisse drastique du nombre d’hommes cherchant des soins de santé, explique M. Williams, qui ajoute que le nombre d’agressions à contre la minorité LGBT, lui, est monté en flèche.

Croit-il qu’une tragédie comme celle survenue à Orlando dimanche changera les mentalités dans son pays? «L’Afrique est unie contre cette violence insensée, peu importe contre qui elle est dirigée. Même l’ancien président Goodluck Jonathan a offert ses condoléances aux victimes d’Orlando.»

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