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Le retour du Bloc

Frédéric Bérard

Plusieurs, dont moi, l’avaient enterré à tout jamais. Et pour cause. D’abord, la maintenant célèbre rincée de 2011 due à la «vague orange», où une portion appréciable de Québécois devaient, de manière inattendue, délaisser son Bloc chéri et se jeter dans les bras de feu Jack Layton. La succession de Gilles Duceppe devait s’avérer ardue, Daniel Paillé et Mario Beaulieu quittant rapidement leurs fonctions, incapables de ressusciter la pertinence du parti auprès d’un électorat visiblement las. Sont ensuite venues, sous le règne de la caractérielle Martine Ouellet, d’incessantes disputes intestines. Celles-ci ont atteint leur point culminant lors du départ intempestif de la majorité des députés du caucus, partis créer une formation parallèle nommée Québec debout. Passons.

Pathétique spectacle, donc. Surtout lorsqu’il s’agit d’une institution. Celle des Bouchard et Duceppe. Celle qui a assuré, pendant près d’une vingtaine d’années, une voix forte à Ottawa. Celle qui a forcé, presque à elle seule, le gouvernement Harper à pallier le déséquilibre fiscal. Celle qui a fait pression sur celui de Chrétien afin que Québec puisse obtenir la compétence exclusive en matière de formation de la main-d’œuvre. Celle qui a amené Paul Martin à constituer la commission d’enquête Gomery, afférente au scandale des commandites. Celle qui a longtemps été la seule à défendre Omar Khadr, enfant-soldat pourtant torontois, alors que le reste de l’opposition regardait tout simplement ailleurs.

En bref, la contribution de ce parti, de cette institution, allait bien au-delà de la promotion de l’indépendance québécoise. Résultante? Nombre de Québécois tièdes ou frileux à cette idée votaient, allégrement et sans gêne aucune, pour la formation souverainiste.

Or, alors qu’il semblait probable que celle-ci allait livrer en octobre sa dernière campagne électorale, un revirement de situation tend à s’opérer : le Bloc est de retour.

L’arrivée d’Yves-François Blanchet à titre de chef y est, selon toute vraisemblance, pour beaucoup. Sérieux, pragmatique et rassembleur, ce dernier fait montre d’un leadership qui contraste drôlement avec celui de Ouellet, assimilable à un triste vaudeville. Sur toutes les tribunes, le nouveau chef, jouissant d’une certaine notoriété à titre d’ex-ministre et d’ex tout court, semble avoir dénoué le nœud gordien étouffant le règne de sa prédécesseure : oui, le Bloc assure et assurera la promotion de l’indépendance. Et oui, simultanément et dans l’intervalle, le Bloc défendra les intérêts du Québec à même la fédération canadienne. Cette posture, au demeurant classique et pleine de sens, permettra à la formation d’aller chercher le vote des nationalistes non nécessairement indépendantistes­.

Sérieux, pragmatique et rassembleur­, Blanchet fait montre d’un leadership qui contraste drôlement avec celui de Ouellet [et qui] assure aussi, de manière symbiotique, la cueillette de candidats d’envergure.

Ce retour au sérieux assure aussi, de manière symbiotique, la cueillette de candidats d’envergure. Au rang de ceux-ci figure, en haut de liste, l’ami Simon-Pierre Savard-Tremblay. Le genre de gars que tu veux dans l’appareil public. Brillant, engagé et affable, il a été un des dauphins de deux grands hommes d’État québécois, Bernard Landry et Jacques Parizeau. Fort d’un doctorat en socioéconomie, il est l’auteur d’essais qui dénoncent notamment les quelques entourloupettes propres aux ententes de libre-échange contemporaines, conclues d’ordinaire à l’insu du public. Pas inutile, disons. En bref, si ce genre de candidat continue à embarquer dans l’autobus de campagne du Bloc ou autres, ça devrait constituer un antidote intéressant, voire impératif, à une tendance où l’intellectualisme semble fuir l’arène publique. De quoi se réjouir.

 

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