Soutenez

Le bouillon de brochet

chamans autochtones
Maïtée Labrecque-Saganash - Métro

Ce fut un long hiver en Eeyou Istchee. J’ai vu la première neige le 29 septembre. Encore cette semaine, il neigeait un peu. Ça mine le moral, surtout quand les embûches de la vie s’accumulent.

Retourner dans le Nord m’a permis de faire beaucoup de choses, dont m’occuper activement de ma santé mentale, même après avoir souvent passé au travers du filet social. Je fais de l’anxiété depuis que je suis jeune. Mais là, j’avais la capacité de pouvoir me taper les listes d’attentes et de me rendre à la clinique souvent, puisque je peux m’y rendre à pied. Il y a au moins ça dans la réserve : les services ne sont pas loin, même s’ils sont loin d’être parfaits. J’ai fait «tout ce qu’il faut faire» et même là, j’ai quand même rushé.

Prendre soin de sa santé mentale, c’est presque un travail à temps plein. Il faut appeler souvent pour être sûr que son dossier ne soit pas négligé, essayer des médicaments et vivre un certain temps dans un cycle sans fin d’effets secondaires et se déplacer souvent pour des rendez-vous. Ça prend aussi un employeur compréhensif et des directeurs qui laissent du temps et de l’espace à leurs employés qui souhaitent entamer un tel processus.

Il y a au moins ça dans la réserve : les services ne sont pas loin, même s’ils sont loin d’être parfaits.

Je pense aussi aux Autochtones qui ne peuvent pas retourner dans leur territoire, à cause de leur situation financière ou simplement parce qu’ils n’ont plus de liens avec celui-ci. C’est facile de dire : «Retourne à la maison, le territoire va te guérir.» Parfois, ce n’est pas aussi simple que ça. C’est le cas pour des amis dans le North End, à Winnipeg, qui ont une réalité urbaine. Quand ta famille vit dans un centre urbain, depuis des générations, le land est un concept inconnu et souvent inaccessible. Je suis plutôt chanceuse d’avoir accès à la terre de mes ancêtres.

L’hiver a été long. Les prochaines semaines ne me donneront pas de repos. Je pense à m’acheter un bateau, pour aller pêcher sur le lac Champion, s’il arrête de faire frette un jour. J’ai pris un petit brochet, hier. Le premier de la saison. Ma grand-mère est toujours fâchée quand je remets des brochets à l’eau. «Tu peux faire plein de choses avec ça.» Je vais commencer à les garder et à en faire du bouillon. Ça va peut-être m’aider à me distraire de mon anxiété.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.