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La «laïcité» de la CAQ

Boomer
Houssein Ben-Ameur - Métro

Au moment où j’écris ces lignes, attablé au soleil, j’observe les abeilles butinant les trèfles fleuris et les écureuils narguant le chat, à leur habitude. J’entends les cris de joie des enfants voisins se lançant la balle, les petites choses. La vie est belle au Québec, on est si bien ici.

En même temps, je me sens saisi d’un épais nuage de tristesse. Le débat fait encore rage au salon bleu : l’Assemblée Nationale s’apprête à voter la loi 21 dite «de la laïcité de l’État». Je savais que ça finirait comme ça, je m’y attendais, bien sûr. Je pense à ceux et à celles qui ne pourront pas à l’avenir choisir l’emploi de leur choix. Ça fait mal. On en est là.

C’est l’aboutissement d’un long chemin en pente ascendante, graduel et pernicieux, dont l’histoire humaine a le secret. Il y a eu le 11 septembre, les accommodements raisonnables, l’ADQ, Hérouxville, les radios de Québec, la commission Bouchard-Taylor, les chroniqueurs du Journal de Montréal, le PQ, la charte des valeurs, Daech, les réfugiés syriens, la Meute, et la résurgence de l’extrême-droite… Et la CAQ qui a sauté à pieds joints dans la vague, surfant sur le tumulte identitaire et profitant de la grogne populaire envers un long et cahoteux règne libéral. Le premier ministre, en homme d’action qu’il se dit, a invoqué l’hypothétique urgence de «clore le débat» et de «passer à autre chose», de faire vite et de précipiter l’acte, quitte à dévaler les marches deux à la fois, qu’importe. Le roi enjoint, le roi ordonne, que son caprice soit exaucé.

Affaire classée. Sujet clos. Mais ne soyons pas dupes.

«N’oublions pas que la loi sur la laïcité n’est pas compatible avec la charte canadienne des droits et libertés et qu’elle aura été adoptée en vitesse et sous bâillon. Le tout basé sur une hypothétique urgence d’agir.»

N’oublions pas que cette loi est passée outre la Charte canadienne des droits et libertés. Le gouvernement l’a sciemment contournée en s’appuyant sur la clause nonobstant, dite dérogatoire, question de ne pas avoir à passer le test des tribunaux. Affront au pouvoir judiciaire. Première esquive. N’oublions pas que cette loi est en contradiction avec la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Le gouvernement va devoir amender cette dernière, avec une majorité parlementaire simple, afin de pouvoir accommoder les dispositions de sa nouvelle loi. Affront aux droits fondamentaux. Deuxième esquive.

N’oublions pas que cette loi est passée sous une motion de procédure législative d’exception, dite du bâillon, accentuant l’amertume et verrouillant le débat parlementaire. Affront au pouvoir législatif. Troisième esquive.

Surtout, n’oublions pas que le gouvernement n’a jamais daigné démontrer le caractère urgent et nécessaire de cette loi. Son argumentaire fût simple, simpliste, ad nauseam: ça a trop duré, la majorité est avec nous, il faut agir vite. Qu’on piétine des droits, qu’on réduise des libertés, qu’on bâillonne et qu’on esquive, qu’importe, suivant le dicton du «bon businessman» : la fin justifie les moyens, l’important c’est le résultat, vite, qu’on en finisse.

Monsieur le premier ministre, ne vous réjouissez pas trop vite. L’affaire n’est pas classée et le sujet est loin d’être clos. Au contraire, on n’a pas du tout fini d’en parler.

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