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La moindre des choses

Judith Lussier

On peut s’obstiner sur des détails, mais les preuves que nos ancêtres ont mal agi envers les Premiers Peuples sont assez accablantes. Pour le rappeler brièvement, les Autochtones ont été dépossédés de leurs terres, séparés de leurs familles, maltraités dans des pensionnats où on a tenté d’effacer leur culture et leur identité. Récemment, on apprenait que des femmes autochtones avaient été stérilisées sans leur consentement.

Bien sûr, nous ne pouvons effacer l’histoire et il y a certainement des limites au blâme que nous pouvons assumer, nous, pour des comportements qui ont pour la plupart été perpétrés avant notre naissance. Par contre, nous sommes entièrement responsables des comportements que nous entretenons aujourd’hui à l’égard des Premières Nations, et il n’en tient qu’à nous de ne pas reproduire l’attitude coloniale qui entache notre histoire.

Dans ce contexte, la moindre des choses serait de se garder une gêne lorsque vient le temps d’exprimer un malaise envers des initiatives visant la réconciliation. Récemment, la rue Amherst a été rebaptisée Atateken. Le général Amherst étant un personnage que nous détestons presque unanimement, la nouvelle a suscité en certain enthousiasme. Il s’en est tout de même trouvé pour manifester leur désaccord contre le nouveau nom, qui signifie «fraternité» en langue mohawk. «Difficile à prononcer», commentaient plusieurs en substance. «Pourquoi pas un nom canadien-français pour refléter NOTRE métropole», chignait l’un. Des opinions racistes à l’égard des Autochtones fusaient sous les publications de certains médias.

Récemment, quelqu’un m’expliquait que le nom de son commerce était issu d’une légende autochtone. De quelle nation? «Amérindienne, je pense.»

La semaine suivante, l’annonce de la construction d’une résidence pour étudiants autochtones dans la région de Sept-Îles suscitait la grogne chez des habitants du quartier, qui tenaient essentiellement le discours «pas dans ma cour». «Le milieu est tranquille. Vous allez le perturber», disait une citoyenne lors d’une consultation publique, probablement sans mesurer l’ironie de son propos. Qui a perturbé qui, sur ce territoire innu?

C’est comme si on oubliait toute l’histoire. Ça ne peut être autrement. Si on connaît l’histoire, on sait que le léger inconfort d’apprendre un nouveau mot mohawk est sans commune mesure avec les souffrances infligées depuis des siècles à ceux qui étaient ici bien avant nous. Si on connaît l’histoire, on sait que nos quartiers sont situés sur des territoires non cédés. Mais je ne suis pas certaine qu’on connaisse si bien cette histoire, qui nous a été enseignée généralement de manière bien manichéenne: les bons indiens (Algonquins), les moins bons indiens (Iroquois).

Récemment, une personne­ m’expliquait que le nom de son commerce était issu d’une légende autochtone. De quelle nation? «Amérindienne, je pense.» Comme nous étions au Saguenay, il y a fort à parier que le récit était d’origine innue, mais comment aurait-elle pu le savoir? On a une connaissance bien sommaire des réalités autochtones contemporaines. On différencie à peine les nations entre elles et on ne connaît pas de mots de politesse élémentaire pour reconnaître leur présence. On ne peut effacer l’histoire et il ne sert à rien de nous autoflageller pour expier le passé, mais la moindre des choses serait de faire un petit effort d’ouverture, et d’accueillir comme un grand soulagement toute initiative visant à rétablir l’équilibre.

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