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Avoir terriblement honte

Sylvain Ménard

La semaine dernière, le SPVM a ouvert une enquête à propos d’un crétin agressif du quartier Ahuntsic qui a très mal encaissé d’entendre une mère, d’origine algérienne, s’adresser à sa fille en arabe. Le gars a même eu le culot de lui demander pourquoi elle parlait à la petite dans cette langue. Pas content de la réponse, le zouf a ensuite couronné le tout en disant à la petite fille âgée de trois ans: «Demande à ta maman si je peux fou*** ta mère, enfant de salope.» Je n’en rajouterai pas, la poubelle déborde déjà.

Des épais de la sorte nous font un tort terrible. Même s’ils sont (heureusement) minoritaires, même s’ils ne représentent qu’une infime exception, ce sont eux qui font le plus de bruit et qui viennent teinter l’ambiance d’une grosse touche de brun. Quand un gars est assez cave pour vouloir empêcher une mère de communiquer avec sa fille dans sa langue m-a-t-e-r-n-e-l-l-e, ça nous donne une idée assez précise de son niveau d’imbécilité.

Pourquoi, plus on parle au «nous», moins je m’y reconnais?

Ce qui m’énerve encore plus dans ce genre de dérapage, c’est que les pires ignominies racistes que j’ai pu entendre ici depuis quelques années sont toujours prononcées par des gens qui parlent au «nous». Nous autres, on est de même, nous autres, on ne veut pas que ça se passe comme ça, nous autres, on ne se laissera pas faire…

Alors, pourquoi plus on parle au «nous», moins je m’y reconnais? De quel droit la frange la plus heavy de la population s’est-elle appropriée le «nous»? Un nous étouffant, un nous qui empeste le renfermé, un nous qui ressemble bien plus à un clan de tricotés serré, hiver comme été. Une gang qui se dit «de souche» (oh, que je déteste ce qualificatif), mais qui a tendance à pousser de travers.

Je n’ai aucune idée où sont rendues les recherches pour retrouver l’agressif d’Ahuntsic. J’espère juste qu’il se fera pincer et qu’on prendra le temps de s’asseoir avec lui. Pas seulement pour déposer des accusations, mais aussi pour lui expliquer deux ou trois petites choses. Pour lui dire, par exemple, que le trottoir appartient à tout le monde et que tout un chacun a le droit de s’exprimer librement, dans la langue de son choix. On pourrait aussi lui rappeler que c’est très laid de se croire au-dessus des autres et que rien au monde ne lui permet de terroriser une enfant de trois ans qui braille sa vie parce qu’il est menaçant envers elle. On pourrait en profiter pour lui proposer un voyage en solo à l’étranger. Là où il pourrait constater qu’il y a de la vie ailleurs depuis des centaines, voire des milliers d’années. Là où il aurait besoin des autres pour s’y retrouver.

On pourrait enfin lui dire qu’il «nous» fait honte. Mais alors là, mauditement honte. Et, que, s’il recommence son petit jeu, «je» serai le premier à avoir prodigieusement envie de le rappeler à l’ordre. Parole de «nous»!

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Question: avez-vous déjà vu les films Easy Rider, Sunset Boulevard, L’exorciste, J.A. Martin, photographe ou New York, New York sur grand écran? Non? Bien, c’est le temps de combler cette lacune en vous pointant au festival Les films de notre vie, une superbe série de cinéma de répertoire programmée pour une troisième année par Roland Smith, le père de tous les cinéphiles en ville. Ça se passe du 1er août au 1er septembre à l’Outremont, et c »est un événement incontournable! Vous saluerez Roland de ma part, il se tient généralement près de l’entrée, toujours content de recevoir des gens qui partagent sa passion.

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