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Salvadoriennes en colère

«Je pense que je suis enceinte», a confié Maria Teresa Rivera à son patron, à l’usine de textile où elle travaille. Issue d’un milieu défavorisé et mère d’un enfant qu’elle élève seule, la Salvadorienne perçoit cette grossesse comme un défi.

L’arrivée de ses menstruations infirme peu après son hypothèse; elle n’est pas enceinte. Onze mois s’écoulent. Puis, un soir, Maria subit un malaise. Elle se réveille à l’hôpital, puis est mise en état d’arrestation. Elle aurait accouché d’un fœtus trouvé sans vie. Selon toute vraisemblance, Maria a fait une fausse couche.

Or, contre toute logique, le témoignage de son patron sur ce qu’elle lui a confié – près d’un an plus tôt! – servira à condamner Maria à 40 ans de prison, pour infanticide.

Misogynie systémique
Depuis 1998, le Salvador est parmi les cinq pays où l’avortement est strictement illégal en toutes circonstances. Des femmes malades y sont privées de soins et forcées de mener leur grossesse à terme, même si le fœtus n’est pas viable et quitte à laisser mourir aussi la mère. Toute grossesse qui n’est pas menée à terme est considérée comme étant suspecte par les autorités.

Les droits des femmes, dit-on au parti conservateur, s’arrêtent là où commencent ceux du zygote. En réalité, dans ce pays qui enregistre le taux le plus élevé de féminicides au monde, les droits des femmes s’arrêtent où le pouvoir des hommes commence. Le fléau de la violence conjugale y est, encore aujourd’hui, une affaire du domaine privé qu’il convient de gérer dans l’intimité.

Confrontées à un système judiciaire où les femmes sont présumées coupables de leurs fausses couches, même celles dont la grossesse est souhaitée sont réticentes à consulter en cas de complications.

Citoyennes debout
Depuis quelques années, des histoires comme celle de Maria se multiplient et suscitent la grogne. La lutte, jadis menée par les cercles féministes et militants, trouve enfin un écho dans l’espace public.

Après quatre années et demie de détention, moult échecs et une guerre acharnée contre le système juridique, Maria est blanchie en 2016. Pendant sa détention, elle n’a pu voir son fils que deux fois.

Projet de loi porteur d’espoir
Le parti républicain (ARENA), qui siège comme opposition officielle, veut faire passer la peine de prison de 8 à 50 ans pour les femmes ayant eu recours à un avortement clandestin. En réponse, le parti au pouvoir (FMLN), progressiste mais minoritaire, a déposé un projet de loi visant à décriminaliser l’avortement en cas de viol, de risques pour la vie de la mère ou de problème de santé grave chez le fœtus.

Le virus du Zika, responsable d’un nombre croissant de cas de microcéphalie chez le fœtus, fait pencher la balance en faveur des femmes. En mars dernier, alors que ses concitoyennes en colère prenaient la rue pour exiger des droits fondamentaux, Maria Teresa Rivera se voyait octroyer l’asile, pour son fils et elle, par la Suède. La lutte des Salvadoriennes continue de prendre de l’ampleur, alors que le projet de loi fait présentement son chemin à l’Assemblée législative.

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