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Le Grand Soir

Businesspeople grabbing money Photo: Getty Images/iStockphoto

Nous avons renoncé au Grand Soir, au bouleversement de l’ordre établi. Il n’y a ni mythologie révolutionnaire ni nouvel ordre social à l’horizon. Le capitalisme règne en maître.

Les ouvriers qui travaillent pour nous dans des conditions de vie misérables sont invisibles. Mineurs au Congo, couturières au Bangladesh ou paysans au Guatemala: ni vus ni connus.

Il en va de même pour les ultra-riches. Leur fortune est si colossale que nous ne pouvons même pas l’imaginer. Nous crions à l’indécence, mais sans trop de conviction. Le bling-bling demeure tentant.

Déjà bien installés dans le confort et l’indifférence – la formule est de Denys Arcand –, nous avons laissé tomber l’espoir de fonder une société plus juste.

Ni la droite ni la gauche ne portent aujourd’hui un projet de société. Il n’y a pas une utopie, mais mille petits récits, inconciliables et revanchards.

La droite brille de mille feux. Elle a ses despotes peu éclairés qu’on considère tout bonnement comme «populistes». Elle a aussi, et surtout, des hordes de sympathisants que la Toile réunit et gonfle à bloc.

La droite ne manque pas non plus d’idéologues. Leur âge d’or est une société dépourvue de tensions sociales et respectueuse des valeurs traditionnelles. L’étranger y fait figure de bouc émissaire.

La gauche s’embourbe dans des questions identitaires et en paye le prix. Au lieu de viser les causes profondes des inégalités, elle s’épuise dans un débat qui produit, au mieux, des interdits langagiers.

Cette novlangue propose une vision angélique de la société, comme si un groupe, victime lui-même de discrimination, ne pouvait être à son tour xénophobe ou sexiste. Par moments, la gauche ignore aussi que toute tradition est faite d’emprunts, d’oublis et de manipulations intéressées.

La machine de la censure s’emballe. Les curés réapparaissent sous de nouveaux habits. Leur dada, c’est la dernière vertu à la mode. Le travail de culpabilisation est acharné, mais dans les limites du recevable. La peur d’être expulsés du paradis des médias freine leurs ardeurs.

La droite ne se gêne pas pour classer les gens selon la couleur de la peau, l’orientation sexuelle ou les croyances religieuses. Ne feignons pas la surprise. La discrimination, c’est sa marque de commerce.

Curieusement, les forces progressistes n’échappent pas à ce délire identitaire. Les institutions démocratiques, l’émancipation individuelle et l’universalité des droits ne sont plus dans leur champ de mire.

En ce jour de Noël, nous célébrons la naissance d’un enfant de l’exil, venu au monde pour dénoncer l’avarice des marchands, les dérives du pouvoir et, aussi, les préjugés des siens. Deux mille dix-huit ans plus tard, Joann Sfar rappelle que «se civiliser, c’est refuser le tribalisme». Qu’il soit de droite ou de gauche, serait-on tenté d’ajouter.

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