Soutenez

Une contre-révolution au lit?

À chaque époque sa manière d’interpréter et d’encadrer les rapports sexuels.

Au XIXe siècle, on se déleste progressivement de la chair et du péché pour se braquer sur la sexualité et les perversions.

Là où la religion punissait des fautes, la science guérit déviances et obsessions. Ce sont différentes techniques pour discipliner les corps, instiller la honte et extorquer des aveux. La vie sexuelle, si intime, demeure un formidable mécanisme de contrôle social.

Dans les années 1960, la révolution sexuelle promet un grand bouleversement. La pilule anticonceptionnelle libère la femme, son plaisir s’affirme. Certaines minorités sexuelles s’organisent et défendent leurs droits. L’amour libre va encore plus loin. C’est l’utopie d’un érotisme sans barrières de sexe, de genre et de race.

Mais les tabous tombent lentement et, comme souvent, ils font peau neuve et reviennent en force.

Aujourd’hui, par un étrange retournement de situation, la libération sexuelle est lourdement affectée par des soucis identitaires. Nous voulons encore confiner nos semblables à une identité axée sur leurs préférences sexuelles, aussi queer soient-elles.

Une identité béton, avec un collectif de référence qui en fixe les contours. La vie qui va, les goûts qui changent et le hasard des rencontres ne sont plus de notre époque.

Le désir redevenu suspect, la séduction nous fait peur. Déjà mise à mal par le numérique, qui nous pousse à fuir la complexité des relations humaines, la séduction est obscurément associée au harcèlement.

De l’érotisme joyeux des années 1960, il ne nous reste peut-être que les défilés, colorés et bon enfant, célébrant la diversité sexuelle. Ce sont quelques heures de liesse, détachées des souffrances et des luttes qui sont à leur origine.

Aussitôt les commémorations terminées, le débat redevient acrimonieux et polarisant. Pour les uns, un baiser volé constitue une agression. Pour les autres, machisme et homophobie sont choses du passé.

Les crispations demeurent cependant très sélectives.

Les abus à Hollywood suscitent clameurs et mots-clics à profusion; le sort des femmes de ménage philippines aux mains de leurs patrons, de leurs patronnes et de leurs ados, beaucoup moins.

Les cas individuels nous émeuvent, mais on évite religieusement tout examen des conditions historiques et des relations de pouvoir qui banalisent insultes et violences.

Ajoutons à cela la con­fusion que provoque une certaine gauche, entichée de «décolonisation».

Faut-il condamner la mutilation sexuelle féminine? Ne répondez pas trop vite!

Si vous dénoncez la brutalité de cette pratique rituelle, vos propos seront considérés, à gauche, comme racistes.

Et ce n’est pas tout. La droite attend votre dénonciation de l’excision pour la récupérer sans vergogne. Elle s’en servira pour condamner, sans nuances, le premier étranger venu, sa communauté et sa religion au complet.

Injonctions, dilemmes et paradoxes dominent le débat sur la sexualité humaine. Le climat étant toxique, les voix plus informées et plus articulées se retirent. On ne parle plus des jeux de séduction, des joies de l’érotisme, de la camaraderie qui naît dans l’intimité. La révolution sexuelle a atteint son crépuscule.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.