Soutenez

Cette langue c’est chez moi

maladie mort

Samedi dernier, j’ai vu Capharnaüm au cinéma. Ce long métrage libanais mérite amplement les éloges et nominations qui lui ont été faits. Écrit et réalisé par Nadine Labaki, il raconte la misère de Zain, un petit garçon qui arpente les rues de Beyrouth et multiplie les astuces pour survivre.

Je ne connais pas beaucoup le Liban natal de mes parents, mais quelque chose en moi frétille à chaque fois que j’ai l’opportunité de voir du cinéma libanais. Comme si les intonations familières des personnages ravivaient quelque chose, l’une des couleurs de mon identité. Dans Capharnaüm, Zain s’exprime avec un langage grossier acquis de son milieu et de la rue, mais c’est l’injustice qui parle bien plus que la vulgarité. Et malgré la rudesse, ce langage me faisait sourire, parce que les jurons participent à notre rapport à l’identité et révèlent un peu ce que nous sommes.

Dans mon cas, c’est toute l’Eucharistie catholique qui ponctue mes états d’âme…Des jurons, ça sort des tripes, c’est spontané, et ceux qui me viennent instinctivement sont les jurons québécois, même si l’arabe était la langue principale parlée à la maison. C’est ainsi pour bien des personnes de deuxième et troisième génération, qui jonglent avec de multiples codes culturels et références linguistiques. Il n’y a là rien d’étonnant. Je me fais pourtant souvent demander: «Es-tu davantage québécoise ou libanaise?», comme si les multiples identités que l’on porte entrent nécessairement en compétition les unes avec les autres.

Comme si elles étaient tranchées au couteau. C’est de cette façon qu’on entendra souvent parler d’identité, on a l’impression qu’il y a une liste de critères bien définis qu’il faut cocher pour passer le test. Alors que les manifestations d’appartenance peuvent aussi être plus subtiles. Comme les tabarouette aux R roulés que j’attrape chez mes parents. C’est plutôt attendrissant, et plus, ça illustre comment les identités s’allient, muent et se façonnent sans cesse.

Il n’y a rien à atténuer, rien à amplifier, rien à forcer, on est, on ressent, on vibre, c’est tout, le rapport au langage naturellement mouvant révèle bien cela.

L’arabe de Capharnaüm était douillet et familier c’est vrai, comme l’a été le français québécois de Chien de garde, 1991 et La disparition des Lucioles. Les uns et les autres me font plaisir, réveillent ce petit frétillement qui dit «cette langue c’est chez moi».

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.