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Règles d’or de la conférencière

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Samedi matin, je me suis rendu à Contrecœur, une petite ville de la Montérégie, pour y prononcer une conférence. Le lieu où j’allais prendre la parole a de grandes vitres qui donnent sur le fleuve Saint-Laurent. Une telle vue annonçait un beau moment.  

J’avais intitulé la conférence «Racisme, antiracisme et autres mots terrifiants». «Terrifiant» écrit avec une police similaire à celles utilisées pour titrer les romans d’horreur (on s’amuse comme on peut!), car ces sujets sont difficiles à aborder. Ils sont lourds et grattent des choses au plus profond de nous. 

C’est ce que j’ai expliqué aux élèves qui assistaient à cette présentation. J’ai évoqué ce qui, historiquement, a mené des groupes à se poser au sommet d’une hiérarchie arbitraire, et ce qui persiste aujourd’hui sous la forme d’inégalités et de violences institutionnelles.

J’ai aussi parlé des dimensions individuelles de la discrimination, à savoir les biais cognitifs et les préjugés que nous avons tous.

Albert Memmi le disait ainsi: «Alors, nous serions tous, et toujours, racistes? Non, pas exactement. Nous sommes presque tous tentés par le racisme, oui. Il y a en nous un terrain préparé pour recevoir et faire germer les semences du racisme, pour peu que nous n’y prenions garde.»

Cela ne signifie pas qu’on est soumis à la nature humaine, qui nous condamne à l’intolérance. Il est possible de débusquer les idées hostiles qui naissent en nous et de chercher à ne pas y céder. Là-dessus, on a un pouvoir réel, quoique souvent négligé. 

Cet apprentissage est devenu ma première règle d’or: tout le monde peut se tromper et changer. On a tous des parts d’ombre qui peuvent être atténuées. En ce sens,
tout le monde (ou presque) est parlable. Là où le dialogue est impossible, c’est lorsqu’une haine viscérale en vient à nier l’autre, à vouloir le supprimer.  

Durant la conférence, sans être haineux, un participant m’a confrontée. Il est facile de perdre patience dans ces moments-là. 

Mais la seconde règle d’or est là: donner une conférence, c’est bénéficier d’une tribune, et donc avoir un certain avantage. Quand les gens réagissent, je tente de ne pas perdre de vue la position dans laquelle je suis: une position qui me procure un temps de parole que l’assistance n’a pas. 

Durant la conférence, sans être haineux, un participant m’a confrontée. Il est facile de perdre patience dans ces moments-là.

C’est pareil en société. Ceux qui ont des rôles qui leur confèrent du pouvoir ou, de façon générale, ceux qui ont des privilèges ne peuvent les ignorer ou en abuser. 

Dans la salle, les élèves se sont hâtés pour répondre à ce participant. Ils étaient déjà sensibilisés et abhorraient les inégalités et l’exclusion.  

Quand j’accrochais du regard une paire d’yeux dans le public, je le savais. Et puisqu’on se comprenait déjà, je voulais qu’eux aussi me parlent. Je lançais alors des questions, écoutais avidement les réponses. 

C’est la troisième règle d’or: en donnant des conférences au Québec, j’ai bien saisi que les gens qui y assistent ont aussi des choses à m’enseigner. On apprend beaucoup en tendant l’oreille, on en vient même à mieux comprendre notre sujet d’expertise. 

C’est pour ça que ces mains levées, face au fleuve, me réjouissaient. Ces jeunes têtes et leurs yeux curieux, avec leurs opinions sans complaisance ni méfiance, leurs questions et leur ouverture, m’en apprenaient sur le Québec de demain.  

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