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Finance: le marché de la vulnérabilité

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Louise est sur son lit de mort et veut effectuer des changements à sa police d’assurance vie. À sa demande, son représentant se rend alors à son chevet. Lorsqu’il ressort de sa chambre, la propriété et le bénéficiaire de l’assurance ont été transférés… mais à l’épouse de ce dernier. Comme quoi le marché de la vulnérabilité peut être payant pour qui sait s’y prendre.

Septembre 2014. Atteinte d’un cancer incurable, Louise (nom fictif) passe ses derniers jours dans une maison de soins palliatifs. Endettée, elle craint que son seul actif financier, une assurance vie de 35 000 dollars, serve à rembourser ses créances ou soit versée à un membre de sa famille avec qui elle ne s’entend pas.

Louise ne connaît rien aux rouages parfois complexes de l’assurance. Elle ne sait pas qu’elle peut désigner un nouveau bénéficiaire pour recevoir l’indemnité de sa police sans se soucier de ses dettes.

Elle envisage donc d’annuler son assurance, espérant ainsi récupérer quelques centaines de dollars: ce qu’il faut pour payer ses obsèques.

C’est alors qu’entre en scène Claude Huet, représentant en assurance de Terrebonne qui lui a vendu sa police 21 ans plus tôt. À la demande de Louise, il se rend à son chevet. Malgré ses trente ans d’expérience, il n’informe pas sa cliente de ses véritables options, dont la possibilité de changer de bénéficiaire.

Le représentant Huet lui propose plutôt 1500$ pour transférer la propriété de la police au nom de son épouse… à lui. Voilà qu’en une matinée, Louise, en pleine vulnérabilité, perd le seul actif financier qu’elle détenait.

Elle s’éteindra sept jours plus tard sans avoir eu l’occasion de modifier cette décision non éclairée. Il faudra qu’une amie se démène auprès de la compagnie d’assurance, qu’elle dépense plus de 15 000 dollars en frais d’avocat, pour empêcher que l’épouse du représentant soit la bénéficiaire de la police.

Tirer les ficelles de la confiance

Triste histoire que celle de Louise qui rappelle que la vulnérabilité est une occasion d’affaires pour ceux qui savent à la fois tirer les ficelles de la confiance et étirer l’élastique du scrupule. Hélas, ce marché, celui de la vulnérabilité, est appelé a croître au cours des prochaines années si rien n’est fait pour le réprimer.

Les aînés représenteront 30% de la population de la province d’ici quinze ans. En 10 ans, le nombre de décès de Québécois a déjà bondi de plus de 15%. Un filon d’or pour les apôtres de l’exploitation financière: déjà, environ 90% des cas déposés à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse sont liés à la maltraitance financière.

La situation est d’autant plus préoccupante que les infractions financières sont encore traitées comme des délits mineurs. Vous risquez moins à piger dans les avoirs d’une personne en fin de vie qu’à voler une voiture: les peines de prison oscillent entre six mois et dix ans.

Quant à un professionnel de la finance qui profite d’un client vulnérable? Le tout est généralement traité comme une faute professionnelle. Sans plus. Pas de dommage-intérêt punitif. Encore moins de peine d’emprisonnement. En fait, les dossiers qui se retrouvent devant un juge qui devront trancher si une faute viole ou non le Code criminel sont aussi rares que des licornes.

Le cas Huet est ici révélateur d’une occasion de suivi qui tombe à plat. Dans un jugement critique rendu en 2017, la Chambre de la sécurité financière (CSF) – équivalent d’un ordre professionnel – affirme le représentant Huet a «tiré profit de la situation en obtenant 35 000 $ moyennant un investissement d’à peine 1500 $, comme d’un billet gagnant de loterie, et ce, à très court terme».

La CSF le condamne alors à une radiation temporaire de trois ans. Or, comme Claude Huet a renoncé à son certificat de représentant au cours des procédures, arguant le départ à la retraite, jamais cette sanction ne sera appliquée.

Comme si rien ne s’était passé, la vie se poursuit.

Pour ceux qui en sont toujours, ça va de soi.

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