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Pas si vite, la liberté d’expression

Gabriel Nadeau-Dubois speaks to the media at a news conference to announce a new non-partisan group to discuss the future of Quebec Wednesday, September 28, 2016 in Montreal.THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz Photo: Ryan Remiorz/La Presse Canadienne

Il y a de ces personnalités qui polarisent. Qui forcent le parti pris. Qui entraînent, voire provoquent, la cristallisation de l’opinion. Gabriel Nadeau-Dubois en fait partie. Moins aujourd’hui, bien sûr. Le jeune leader étudiant, devenu analyste de la chose publique, se veut davantage consensuel qu’à une certaine époque. Celle du printemps 2012, nommément. Là même où GND était vu, par les uns, comme un héros de type Louis Riel et simultanément dénoncé, par les autres, comme constituant la principale cause du réchauffement climatique. Entre autres.

Transposée dans l’arène judiciaire, cette polarisation de l’opinion publique entraîne son lot d’enjeux. Le principal? Celui de souhaiter une application, nécessairement viciée, de la règle de droit. On aime GND? Les juges doivent l’acquitter. On le déteste? Vivement une condamnation pour ce fauteur de troubles…

En bref, l’opinion préconçue, naturellement biaisée, transcende le reste. Une preuve? Le récent verdict de la Cour suprême du Canada ou, plutôt, les réactions afférentes à ce dernier. D’un côté, ceux qui jubilent. De l’autre, ceux qui se désolent. Les deux camps se divisent facilement : ceux qui aiment l’intellectuel militant et ceux qui le détestent.

On en est à se demander si le contenu de la décision judiciaire ne fait pas figure, en un sens, de vulgaire accessoire dans un débat qu’elle doit, ironiquement, trancher. Elle s’assimile, étrangement, au rôle de l’arbitre au cours d’un match de hockey: on aime la décision? Juste décision. Ou l’inverse.

Le danger de la décision-accessoire est, par ailleurs, celui-ci: on peut lui faire dire pratiquement n’importe quoi. Justement parce que tout un chacun s’intéresse au résultat, et non au raisonnement de la cour. À ce qu’elle dit véritablement.

C’est ainsi que GND affirme, victoire en main, avoir mené cette bataille au nom de la liberté d’expression. Et les médias de reprendre, en boucle, les  «lignes». Le problème, c’est que la liberté d’expression n’a rien à voir avec le fondement de la décision. En fait, même les six juges majoritaires, soit ceux qui ont acquitté GND, refusent d’y référer. Les dissidents rejettent même, et sans ambages, son application. Seules questions pertinentes, donc, selon la Cour: les accusations portées satisfaisaient-elles, ou non, aux règles strictes régissant l’outrage au tribunal? GND était-il au courant de l’ordonnance précise quant à l’Université Laval? Celle-ci empêchait-elle toute forme de piquetage? Réponses: non. Technique comme tout, bref, et moins sexy, bien sûr, qu’un débat métaphysique sur la place de l’intellectuel dans la Cité. Mais voilà le nœud de l’affaire: une simple application des faits au droit.

Si, hors de tout doute raisonnable, GND avait proposé la violation de l’ordonnance en question, il serait, aujourd’hui, condamné par la simple logique de l’État de droit. Celle qui fait du pouvoir judiciaire la balise ultime, et qui commande, au-delà de la critique permise, le respect de l’ordonnance rendue. Qu’on l’aime ou non. Qu’elle traite de piquetage, de pensions alimentaires ou de remise en liberté. Qu’on soit Louis Riel ou responsable du réchauffement climatique.

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