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Quartier musulman ou l’histoire d’un mauvais timing

Quartier 100% musulman. À Brossard. Question délicate qui, par définition, mérite réflexion, nuances et circonspections. Tout le contraire de ce qui risque d’arriver, en fait. Déjà mal parti, à vrai dire. Sans surprise. Parce que le timing est pourri. Vraiment. On entend déjà la cassette identitaire nous rejouer son plus grand succès: L’échec du multiculturalisme. Indémodable. On pourrait évidemment leur souligner que leur modèle d’intégration, celui de la France, constitue l’usine à ghettos par excellence. Mais passons.

Timing pourri, disions-nous. Parce que pour plusieurs, il n’y a pas plus beau et joyeux festival que celui de l’amalgame. Celui par l’entremise duquel on associe bêtement terrorisme et musulmans. Pas besoin de réfléchir bien longtemps pour réaliser l’absurdité du raisonnement: il existe, actuellement, plus d’un milliard trois cent millions de musulmans sur la planète. Si ceux-ci portaient effectivement en eux le germe du terrorisme, le caillou sur lequel on repose aurait, depuis longtemps d’ailleurs, fait boum. Et tant pis pour un prochain concours nucléaire à être tenu entre Donald et Kim…

Ce grand festival de l’amalgame compte aussi sur une multitude de produits dérivés: valeurs de l’islam et valeurs québécoises seraient incompatibles et l’intégration musulmane, chose impossible.

Malheureusement, ce projet de quartier vient renforcer ces idées, voire préjugés, reçus. On s’isole. La ghettoïsation. Que les Chinois fassent la même chose, à même Brossard ou au centre-ville de Montréal, on s’en fiche. Ou presque. Idem s’il s’agit des Portugais, Italiens, juifs ou autres. Là, il s’agit des musulmans. Hilala. Et on pouvait bien sûr compter sur certains médias pour accompagner la nouvelle d’un autre article, connexe, sur le fait qu’il serait possible de réussir son test de conduite vêtu d’une burqua ou niqab. Que l’article soit exempt de statistique confirmant l’existence d’une telle pratique importe peu: les musulmans refusent de s’intégrer. Voilà qui, dans l’esprit collectif, est devenu irréfutable.

J’exagère? Hum. Vous avez entendu la sortie de M. Couillard afin de dénoncer le projet? Pourquoi, selon vous? Parce que notre premier ministre est islamophobe? Bien sûr que non. Plutôt parce qu’il connaît l’opinion populaire. Et qu’avec des appuis qui s’amenuisent graduellement, mieux vaut ne pas en rajouter une couche. Pas sûr? OK. Pensez-vous que M. Couillard tiendrait les mêmes propos publiquement s’il s’agissait d’un quartier d’une religion autre?

Une précision: suis assez sceptique, à titre personnel, face à cette propension des communautés X ou Y à créer des frontières à même la société dans laquelle elles vivent. Simple question de goût. Mais dans une société libérale, on s’en fiche, de mes goûts. Et de ceux de Madame Chose, aussi. Des membres d’une communauté ont, sous réserve des lois applicables, le droit de vivre ensemble. Qu’on aime ou non.

Petit problème, cela dit. Dans le projet proposé, et à l’inverse de la plupart des autres quartiers ici décrits, semble exister une différence notable: le complexe résidentiel pourra-t-il accueillir des non-musulmans? Pas encore clair. En cas de réponse négative, faudra alors réfléchir à la légalité de tout ça. Notamment en ce qui a trait au droit à l’égalité protégé par la Charte québécoise. Celui qui interdit la discrimination fondée sur la religion. Parce qu’il s’agirait, en l’espèce, d’un genre de racisme, soft ou non, inversé. Guère mieux.

Mais attendons voir. En fait, non. Pas besoin d’attendre, à vrai dire. Le mal est déjà fait. Timing is everything.

À lire aussi sur le même sujet: Ce que nous dit le projet de ghetto musulman près de Montréal, par Hassan Serraji

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