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Il était une fois l’accès à la justice (2)

Photo: Archives Métro

Une amie m’invite, il y a plusieurs années, à assister à un show-bénéfice au profit d’un organisme pro-accès à la justice: Juripop. Une autre patente d’étudiants pleins de bonnes intentions, m’étais-je dit. Genre de projet qui sombre invariablement dans le gouffre de l’apathie et du désintéressement populaire.

Mais bon, peu importe cet inévitable et triste destin, il importe d’encourager sinon l’affaire, du moins l’intention. Sitôt entré, je me dirige vers le guichet. L’amie en question, qui m’aperçoit, me lance: «Non, entre, gratuit pour toi!» J’insiste, mais rien à faire. Incompréhension du concept de show-bénéfice, visiblement…

Une fois à l’intérieur, la stupeur : salle absolument vide. En fait non, pas parfaitement. Amir Khadir et Françoise David sont sagement assis aux premières loges, alors qu’un band connu s’égosille sur son plus récent «succès» (nous protégeons ici, magnanime, l’anonymat du band en question).

S’ensuit la traditionnelle et combien ennuyeuse tournée des discours sur l’importance de l’accès à la justice, de l’inititative Juripop, et blablablibloblu… Trois quidams, vraisemblablement à l’emploi de l’organisme, applaudissent à tout rompre. Les quatre autres, verre à la main, sourient gentiment en guise de soutien moral. Amir semble dormir sur sa chaise et, comme à l’Assemblée nationale, Françoise le rappelle à l’ordre (pas trop sûr de la véracité de cette dernière anecdote, mais elle met en relief l’ambiance ambiante).

Après son discours, un des fondateurs du vertueux radeau, Julien Pelletier, vient se présenter. Je lui balance, taquin : «Comme ça c’est toi, le cerveau de Juripop?» Il répond, de manière étoffée : «Oui.» Fin de la discussion.

Il ne se prend pas pour un Seven-Up flat, le neveu de Françoise, me dis-je. Arrogance de la jeunesse militante? Peu importe. Après deux autres «succès» (qu’Amir apprécie les yeux fermés, le menton sur la poitrine), je pars. Il y a des limites au soutien moral, quand même.

Malgré l’échec de la soirée, on pouvait saisir, chez Pelletier et son comparse Cloutier, la fibre de la contribution sociétale. Et lorsque Juripop ira s’échouer définitivement à même les écueils du désœuvrement, on se souviendra de l’intention. Déjà ça.

***

Contre toute attente, du moins la mienne, l’organisme en vient à exploser : concours de plaidoirie, Droit de cité, Juripop Artistes, Caravane 360, Mois de la Justice, consultations gratuites dans le métro, et j’en passe. En ces temps d’austérité, d’individualisme et d’effritement du tissu social, Juripop combat contre vents et marées. Avec un succès autant improbable que marqué (et remarqué).

Peu de temps après le show-catastrophe-bénéfice, j’apprends à connaître le «cerveau» de l’organisme et – divulgation de conflit d’intérêt –, à devenir franchement ami avec lui. On parle ici d’un leader tranquille, candide, enthousiaste, opiniâtre et aux valeurs bien senties. Un militant-né, pour qui toute belle théorie s’avère insignifante en l’absence de mise en action concrète.

Dans les prochains jours, Jules-le-vertueux quittera son poste de directeur général de Juripop pour poursuivre de nouveaux idéaux. La fin de quelque chose. Mais les assises étant maintenant solides, l’organisme survivra. Preuve ultime que les idées étudiantes, mêmes invraisemblables, peuvent avoir gain de cause. Antidote contre le cynisme, disons.

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