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Si j’étais un terroriste…

Je déconne. Pas vraiment envie de devenir un terroriste.

D’abord, parce que ça me prendrait une cause pour laquelle je serais prêt à me faire sauter, et je n’en ai point. Je suis plutôt, à ce titre, de l’école Brassens: «Mourir pour des idées, mais de mort len-en-te». Bon, vous l’avez maintenant en tête. Bienvenue.

Ensuite, parce qu’être terroriste, c’est drôlement lâche et abjecte. Tuer, blesser ou faire craindre des civils, des innocents, dégueulasse. Miser sur l’intimidation pour arriver à ses «fins». Ignoble. Parenthèse: la Crise d’octobre au Québec. Les enlèvements de Cross et ensuite du ministre Laporte s’inscrivaient, bien qu’on puisse l’oublier, dans une tendance alors internationale: celle du chantage à tout crin, où maints gouvernements se faisaient prendre par les c*** par divers mouvements organisés ou pas. C’est alors que Trudeau père, conscient de l’engrenage, a alors balancé le maintenant célèbre «just watch me». Ceci, cela dit, ne l’avait pas empêché de négocier partiellement avec les terroristes en question – rappelons le sauf-conduit à Cuba et la lecture du Manifeste du Front de libération du Québec sur les ondes de Radio-Canada.

Enfin, aucune envie de devenir un terroriste également parce que si l’on se fie à certains exemples récents, le fait d’être un terroriste, en réalité ou en apparence, peut amener un premier ministre et son gouvernement à se substituer à un tribunal impartial et indépendant afin de juger de vos crimes allégués. La formule est simple: à toutes questions des médias ou des partis d’opposition, le chef du gouvernement n’a qu’à répondre «qu’il s’agit ici d’un terroriste», et voilà tout. Mais qui, au fait, aura déterminé qu’il s’agit de terrorisme? Le PM lui-même. Bingo.

Ce faisant, et c’est particulièrement génial, on pourra alors écarter toute forme d’application du droit, de libertés civiles reconnues, de principes élémentaires de justice. Comme celui d’être jugé par une institution impartiale. Pas génial, ça?

On peut ainsi laisser croupir un de ses ressortissants, adolescent, dans une cellule où la torture constitue son (seul) pain quotidien.

On peut même envoyer des agents du SCRS en ajouter une couche, notamment en conduisant des interrogatoires de manière illégale, histoire d’obtenir l’ultime aveu visant à régler le cas du terroriste en question. Que cet aveu soit balancé sous la torture, on s’en fiche. On l’a, et on s’en servira, salopard. (NDLR: vous pourrez me faire avouer n’importe quoi, genre ma participation à la Crise de la Baie des cochons, si vous m’arrachez un ongle ou deux).

On peut aussi, toujours au motif qu’il s’agit d’un terroriste, refuser d’appliquer la Convention internationale sur les droits de l’enfant. Vous pouvez même ajouter, comme l’ancien ministre Blaney, que l’âge n’est pas pertinente [sic] là-dedans. (NDLD: pourtant, d’ordinaire, l’âge est assez utile pour déterminer l’application d’une convention sur les droits des enfants. M’enfin.)

Idem pour les autres traités internationaux sur la guerre ou le sort des détenus. Puisque nous vous avons unilatéralement qualifié de terroriste, ces mêmes traités ne s’appliquent pas à vous. On pourra même vous poursuivre pour avoir tué un soldat sur le champ de bataille. Utile sémantique.

On peut également semer un doute sur la pertinence de la séparation des pouvoirs, notamment sur le respect par le gouvernement des décisions de la Cour suprême. À la question d’un journaliste demandant si Ottawa allait se plier à une ordonnance de la Cour sur le rapatriement de Khadr, l’ex-ministre Lawrence Cannon a répondu: «on verra». Pratique, non?

@F_Berard

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