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La jeunesse et «l’identitaire»

D’emblée, je confesse bien aimer Mathieu Bock-Côté. D’abord l’homme, un véritable chic type, mais aussi sa contribution à la sphère publique. Initialement allergique à ses thèses, je reconnais aujourd’hui, mea culpa, que ces dernières comportent une vertu rarissime: forcer réflexion et discussion, de manière intelligente, vivante et posée. Que mes amis idéologiques (en ai-je, au fait?) dorment en paix. Je demeure en profond désaccord, sur l’essentiel du moins, avec le principal intéressé. Mais qui d’autre pour nous amener à douter sérieusement des prémisses de notre argumentaire?

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Une bonne illustration de ce qui précède : dans une chronique récente, intitulée «La jeunesse libérale», le chroniqueur-vedette livre ses hypothèses afférentes à la conversion d’une majorité de jeunes Québécois au PLQ. Soutenables à la première lecture, nombre de celles-ci peinent à résister à l’analyse.

Selon MBC, ladite conversion s’explique par le fait que ces jeunes sont essentiellement réfractaires à «l’identitaire». Pourquoi? Parce que «la jeune génération est née politiquement après la défaite historique des nationalistes (lire l’échec de Meech et du référendum de 1995)». Qui plus est : «Une défaite aussi importante cause des ravages psychologiques. Les souverainistes ont une image de perdants. La cause d’un peuple est devenue l’échec d’une génération ringarde.» Force est ici de s’interroger sur le lien entre Meech et l’identitaire. Idem pour la corrélation avec la campagne référendaire. Celle-ci ne se voulait-elle pas, nonobstant le propos malheureux de Parizeau, parfaitement inclusive? Et qui, au demeurant, qualifie de «ringarde» la précédente génération?

Seconde hypothèse de MBC: «Les jeunes ont été élevés dans le Canada de 1982 qui sacralise le multiculturalisme et l’idéologie des droits.» Vrai, bien entendu, que la Charte canadienne vient consacrer le concept de société de droit. Mais quel mal à cela, au fait? L’identitaire s’y opposerait-il de manichéenne façon, systématiquement? Si oui, inquiétons-nous. Parce que «l’idéologie des droits», par ailleurs consacrée quelques années auparavant dans la Charte québécoise, se veut un rempart contre les dérives étatiques. Souhaitable qu’il en demeure ainsi. Notamment dans un Québec indépendant potentiel.

Troisième hypothèse: «La jeune génération a aussi été socialisée dans un environnement médiatique qui diabolisait le nationalisme et l’assimilait à la fermeture identitaire.» Le quotidien le plus lu au Québec? Le Journal de Montréal. Le réseau de télé le plus regardé? TVA. Qui, dans ces mêmes médias, «diabolise le nationalisme»? On cherchera longtemps. Idem dans Le Devoir. Reste, bien entendu, la diabolique La Presse, Métro et une poignée de chroniqueurs radio-canadiens. Désavantage numérique, côté influence? D’aucuns le croiraient.

Autre hypothèse: «On l’a convaincue [la nouvelle génération] qu’être ouvert sur le monde implique de dédaigner le Québec.» Quoi? Mais où se planque donc le coupable de pareille hérésie? Aidez-moi à débusquer le bougre, et on le persécute dans une éventuelle chronique.

Enfin: «Les jeunes Québécois ne comprennent plus leur aventure historique. Ils ont une conscience historique déformée [et] se voient maintenant comme des parents francophones des racistes et esclavagistes du sud des États-Unis […].»

Eh bien. Me savais responsable d’un paquet de trucs, mais père d’une fille coupable de racisme et d’esclavagisme? Le choc et la honte. Mes excuses.

Conclusion? La formule de Talleyrand : «Tout ce qui est exagéré n’a pas de valeur.»

À peu près ça.

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