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Le festival de la démago à gogo

Des migrants canadiens sur le chemin Roxham, à la frontière entre les États-Unis et le Québec Photo: AP Photo/Charles Krupa, File

À la fin du dernier cours de droit constitutionnel, j’ai lancé aux étudiants: «Vous en avez déjà marre, du populisme? Faites-vous à l’idée, on n’a encore rien vu, pré-campagne électorale oblige.»

Je me souvenais, il faut le dire, de l’été dernier. Juste avec l’affaire Khadr et sa compensation de 10,5M$, d’aucuns en avaient déjà plein les bottes. Moi, du moins. Mais il fallait évidemment que s’ajoute à cela l’arrivée de ressortissants haïtiens, tout juste expulsés de Trump’s Land. La poisse.

«DES IMMIGRANTS ILLÉGAUX!» écrivent à répétition, et en majuscules traditionnelles, quelques chroniqueurs-vedettes. Politiquement parlant? Guère mieux. «Le Québec est une passoire!» s’exclame Legault avant de balancer de nouveau sa proposition de «test des valeurs». Jamais en reste dans une compétition d’arguments fallacieux, Lisée est allé jusqu’à qualifier ces mêmes Haïtiens «d’invités de Trudeau» avant de les rendre indirectement responsables de l’incapacité de «donner plus de bains à nos aînés». Hi la la. Et moi qui souhaitais une petite saison de pêche tranquille…

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Dans une superbe entrevue livrée à Lisa-Marie Gervais, du Devoir, le représentant du Haut-Commissariat pour les réfugiés au Canada, Jean-Nicolas Beuze, disait s’inquiéter des discours populistes et autres dérapages médiatiques: «Le discours populiste haineux anti-réfugiés ou anti-migrants, souvent teinté de discrimination raciale ou religieuse, est extrêmement dangereux. On appelle vraiment les politiciens, y compris dans les campagnes électorales, à toujours faire preuve d’un bon jugement. C’est facile de marquer des points en trouvant des boucs émissaires comme les demandeurs d’asile ou les réfugiés. Mais ça a des conséquences à long terme.» No shit.

Et sur la nouvelle proposition Lisée – le Bernie Sanders autoproclamé de la dernière course à la chefferie du PQ – d’aménager une haie de cèdres (!) à la frontière près de Lacolle? La réponse, sans ambages: «Il faut être réaliste et pratique. Il y a 9000km de frontière. Si on fermait Roxham Road, il y aurait d’autres endroits qui deviendraient des points de passage irréguliers, ce qui compliquerait le travail des autorités canadiennes et risquerait de forcer les demandeurs d’asile à traverser à des endroits beaucoup plus dangereux, comme des lacs ou d’autres plans d’eau qui sont en train de dégeler.»

Et le droit là-dedans, M. Beuze? Toute personne peut tenter de trouver refuge dans un territoire donné si elle croit sa sécurité en danger, question de chartes et de conventions internationales. Fermer les frontières à coups de clôtures en PVC, en bois traité ou en ti-sapins serait probablement illégal.

À ce propos, quid de la fameuse «entente sur les tiers pays sûrs» signée par les États-Unis et par le Canada? En vertu de celle-ci, une personne se présentant aux douanes canadiennes verra, sauf exception, sa demande d’asile jugée irrecevable. À l’inverse, lors de l’arrivée de gens au pays de manière irrégulière (pas illégale, juste irrégulière, calmos), l’entente ne trouve pas application, ceci assurant l’évaluation de sa demande. Absurde et inique? Bien entendu.

Solution? Selon l’ami Handfield, avocat sommité en matière d’immigration, suspendre l’entente en question serait probablement l’idéal. Du moins dans l’intervalle.
Voilà qui aurait l’avantage de ramener la discussion sur le terrain (plus) objectif du droit et qui couperait momentanément les vivres aux animateurs, innombrables, du festival de la démago à gogo.

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