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La robustesse morale de QS

Coup de théâtre à Québec solidaire. Un groupe, autoproclamé Option A, presse le parti de conserver la position originale en matière d’interdiction de port de signes religieux en ce qui a trait aux gardiens de prison, aux policiers et aux juges. De demeurer fidèles à Bouchard-Taylor, en bref.

Selon certains tenants de l’option : «C’est la position la plus centrale, celle qui permet de rejoindre la majorité. Sinon, on se cantonne dans l’opposition, on se sort complètement du jeu politique. On s’isole de la majorité. […] C’est un compromis d’apaisement qui permet de calmer les esprits et de régler la question pour un sacré bout de temps.» Rien sur le fond de l’enjeu. Rien sur la nécessité de cette déclinaison de laïcité, ce qui pourrait manifestement se défendre. Uniquement du calcul. Selon plusieurs sources, cet argumentaire serait à la fois populaire et prisé. Pour faire taire les identitaires et autres. Que le Québec avance enfin. Qu’on enterre cette question derechef.

D’abord, et quoi qu’en dise le ministre Jolin-Barrette, il sera impossible, vu le concept de séparation des pouvoirs, de congédier des juges ou encore de refuser des candidatures à la magistrature sur la base de la discrimination religieuse.

Idem pour les gardiens de prison ou les policiers fédéraux, cette fois en vertu du concept de partage des compétences.

Resteraient donc uniquement les gardiens de prison et les policiers provinciaux. Pas le diable. Et si on allait néanmoins de l’avant pour la totale? Une portion appréciable de la loi se retrouvera ainsi, après contrôle judiciaire, au dépotoir. Retour à la case départ, et frustration exponentielle en prime. On entend déjà, d’ici, hurler au «gouvernement des juges»…

Ensuite, ceux qui se réclament de Bouchard-Taylor devraient se rappeler ceci : la crise en question n’a jamais existé autrement que dans certains médias. Ceci devait d’ailleurs mener Charles Taylor lui-même à se dissocier de son rapport (beau consensus), s’excusant d’avoir contribué à la (fausse) impression qu’un enjeu réel était ici en cause.

Enfin, et surtout, les droits civils ne peuvent faire l’objet d’un vil compromis aux desseins électoralistes. Parce que les droits des minorités sont justement constitutionnalisés pour une raison simple et fondamentale : les extraire des humeurs de la majorité. Parce que ceux-ci ne peuvent être sacrifiés sur l’autel du calcul politique. Pas convaincu? OK. Que dirait-on s’il était ici question des droits des gais et des lesbiennes, dans l’éventualité où une majorité, crinquée par certains politiciens peu vertueux (pensons Trump et Bolsonaro, pour seuls exemples), choisissait de leur porter atteinte en mauvaise et indue forme? Se gargariserait-on de «compromis» à cet égard afin «de rejoindre la majorité»? D’éviter de «se sortir complètement du jeu politique»? Pas la même chose, dites-vous? Ah bon. Mais en quoi? Parce que vous aimez tels droits constitutionnels, mais non tels autres? Désolé, mais ces derniers ne relèvent pas du buffet chinois (mes excuses à ceux-ci pour la métaphore) : on ne peut choisir exclusivement ce qui nous plaît. Rights are rights are rights.

À souhaiter, conséquemment, que Québec solidaire, parti jusqu’à maintenant de principes, fasse le choix de la robustesse morale. Celle qui refuse le chant des sirènes populistes, de la solution facile et du marchandage à tout crin.

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