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Rater l’essentiel

Frédéric Bérard

Je divaguais, relaxe, à l’idée d’un sujet de chronique. Che et Lénine à mes pieds, peinards. De quoi traiter? Le départ de Catherine Fournier­? La suspension du boss de la SQ? La renaissance-néo-chicane-refondation­-du Bloc? Les prochains budgets? Tous des thèmes d’intérêt. Cependant, sur le point d’en choisir un du lot, un doute, voire une lassitude, m’a assailli.

Quelle est la pertinence de ceux-ci, au fond? Ne constituent-ils pas, à plusieurs égards, un genre de divertissement à chroniqueur? Un Beauce Carnaval du commentaire politique? Le take-out de l’analyste boulimique? On pourrait le penser. Parce qu’au final, et avec respect pour les tenants de l’opinion contraire, lesdits sujets relèvent de la quasi-anecdote. Les diktats de l’information continue, de la culture des réseaux sociaux. Vite, enweye, shoote une chronique, analyse, commente, gueule, précise, nuance (ou pas), rentre dans le tas, et pis c’est ça. Tout cela sera, bien évidemment, oublié d’ici quelques jours. Parlez-en à Justin: SNC quoi, déjà? Nouvelle réalité. À fond, mon Léon. Une nouvelle spectaculaire aux airs de fix d’héroïne. Jusqu’au prochain buzz.

Une telle culture embrouille, par définition, toute forme de perspective. Celle qui devrait importer. Comme la survie de l’humanité. Ou le réalisme d’un quelconque vivre-ensemble.

L’humain a réussi, vendredi dernier, le coup d’éclat d’y aller du meilleur comme du pire. D’abord par l’entremise du spectaculaire: meurtre de plus de 50 musulmans­. Comme ça, gratuitement, par plaisir. Un Gérard Lambert autant islamophobe qu’assassin. Ensuite, une marche tout aussi spectaculaire, voire phénoménale, de plus d’un million de jeunes sommant nos leaders politiques d’agir, enfin, sur le plan environnemental­.

La mort et la survie, en somme. Le grandiose et l’atroce. L’espoir et le désespoir. L’essence et sa destruction. Paradoxale idiosyncrasie. En moins de 12 heures.

Malgré leur importance capitale, c’est à peine si on considère encore ces événements. Next. Au suivant. Tout a été dit. Pourtant. Qu’est-ce qui, au moment actuel, mériterait autant de considération, d’intérêt, d’analyse?

D’un côté, l’incandescence d’un mouvement jeunesse, fort de son nombre et de sa fougue, souhaitant endiguer les dérives des générations précédentes venues bousille­r nos chances collectives de survie. À grands coups récents, notamment, de pipelines propriétés d’État. Selfie en prime.

De l’autre, la preuve ultime (comme si celle-ci était nécessaire) d’une islamophobie­ sans cesse grimpante, «instoppable», décomplexée et assumée.

Dans les deux cas, quelques jours auront suffi pour faire sombrer, ou presque, les thèmes dans l’oubli. Pire, leur traitement tant médiatique que politique laisse dubitatif.

Par exemple, les critiques massives voulant que divers slogans vulgaires aient été inscrits­ sur quelques pancartes, ou que certaines d’entre elles se soient ramassées aux poubelles. C’est ce qu’il faut retenir de l’affaire, sérieux?

Ou encore, le refus des Trump et Maxime Bernier de condamner, ne serait-ce qu’en paroles, l’attentat à Christchurch. On en est là, pas de farce? Refuser, pour des fins électoralistes, de dénoncer le… massacre de plus de 50 innocents?

Pas marre, vous, de toute cette haine institutionnalisée? De chasser l’espoir d’une nouvelle génération à coups d’anecdotes bancales et de chasteté «bombardieresque»? De passer à côté de l’essentiel? D’enterrer celui-ci pour courir après le prochain chien écrasé?

Suis lourd? Bien entendu. Mais comme disait Coluche, ce n’est pas moi qui ai commencé­.

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