Les intellectuels n’aiment pas le hockey

Ça me fait toujours sourire. Chaque fois qu’il y a une nouvelle populaire sur le hockey, dans mon fil de nouvelles, il y a ce genre de commentaires: «Un attentat en Turquie […] et le sujet du jour c’est P.K Subban, vous avez pas honte ?», «P.K. qui?», «Je ne connais rien au hockey», «Les baleines meurent et vous parlez de hockey?»

Voilà. C’est ce que je trouve de plus lourd chez l’intellectuel condescendant, celui qui pose sa main sur son menton pour réfléchir, là-haut, tout en haut de cette tour de Babel.

Ce besoin essentiel, cette opportunité unique de rappeler aux gens que: moi, «m-o-u-a», je n’écoute pas le hockey. Il y a des enjeux politiques trop importants! S’abaisser aux activités du petit peuple. Jamais. Accompagner le peuple dans ses passe-temps les plus primaires. Jamais! Ô jamais! lui répondirent-ils, en exhalant les pages brunâtres d’un roman poussiéreux, colérique, en claquant sur la couverture argentée d’un MacBook.

Ne pas aimer le hockey, d’accord. Ne pas aimer le sport, j’acquiesce. Il y a des sujets beaucoup plus importants. Mais critiquer et juger sans réserve les gens qui aiment ce sport, je trouve ça méprisant. Le monde est justement écoeuré d’entendre parler de nouvelles négatives en rafale. Souvent dans ce monde gris, le hockey, le sport, c’est ce qui nous change les idées. Vous pouvez apposer, sur votre table de chevet, pour un instant, ce livre de Baudelaire ou de Proust, et allez boire une bière entre amis devant un match. Des opportunités de se rassembler il y en a de moins en moins. Ces moments pour oublier le quotidien, pour sourire entre amis, le temps d’un match d’hockey, sans couleur, sans jugement, c’est ce que j’aime du sport.

Il y a quelques années, je me suis fait embrasser sur la joue par un gros Haïtien de quarante ans, en séries contre Boston. Son joueur préféré venait de marquer. J’ai trouvé ça beau. Je me considère comme un pseudo-intellectuel, du genre je lis des livres, j’écris des trucs, je me questionne toujours, c’est insomniaque, maladif. Je suis aussi du genre cynique, grognon, condescendant moi aussi de temps à autre. Écœuré par l’apolitisation de notre société. De plus en plus, je juge les mangeurs de Kraft Diner. «Monsieur écrit maintenant!», «Monsieur a des abonnés.» «Monsieur doit faire attention à ce qu’il écrit sur Facebook.»

Cet après-midi, j’ai hésité à commenter la transaction pour «ne pas faire comme tout le monde». Et j’ai eu honte. De plus en plus, je me mets à juger les autres, j’ai peur de devenir un triste-sire. J’espère ne pas devenir ce genre de pseudo-intellectuel, cette personne qui juge les amateurs de hockey. Go Habs Go!

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