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Essai de Tacoma: repousser les limites narratives du jeu vidéo

Gone Home avait prouvé au monde en 2013 que le jeu vidéo pouvait servir à raconter des histoires d’une façon qui lui est propre, et ainsi s’affranchir des paradigmes du cinéma et de la littérature. Le studio américain Fullbright revient à la charge cet été avec Tacoma, qui repousse encore une fois les limites narratives du média. Un jeu d’anticipation original et intelligent, mais moins mémorable que son prédécesseur.

 

Gone Home était un véritable chef d’œuvre vidéoludique. Une histoire universelle de passage à l’âge adulte, qui était racontée grâce à l’exploration d’une immense maison vide, en lisant les différentes notes laissées par ses occupants, les lettres reçues et autres objets découverts en fouillant les moindres recoins de la demeure. Un jeu sans action et sans puzzle, qui garde néanmoins le joueur actif, qui le force à compléter lui-même une histoire livrée en pièces détachées et qui reste avec lui longtemps après le générique final.

 

Tacoma ressemble beaucoup à Gone Home, mais dans un autre décor, réalisé avec des moyens supérieurs et avec une volonté de se démarquer encore plus de ce qui existe dans le jeu vidéo.

 

On y incarne une astronaute qui doit visiter une station spatiale en 2088 pour y récupérer une intelligence artificielle après qu’une catastrophe ait menacé les occupants de la station, désormais déserte. Grâce à une technologie de réalité augmentée, on en profite pour redécouvrir ce qui s’est passé dans les heures précédant notre arrivée, et comment les occupants de la station ont réagi à l’événement.

 

Comme dans Gone Home, l’histoire de Tacoma est livrée de différentes façons. On peut lire les courriels des personnages, mais aussi en découvrir plus sur eux en consultant leurs bibliothèques et en analysant leurs affaires personnelles.

 

Certaines interactions entre les personnages ont aussi été enregistrées en réalité augmentée un peu partout dans la station. On peut alors choisir de suivre un personnage ou un autre, puis de reculer la conversation et la revoir d’un autre angle. La technique est unique dans le jeu vidéo, mais rappelle la pièce de théâtre immersif Sleep No More, présentée depuis quelques années à New York (une œuvre à ne pas manquer, d’ailleurs).

 

La mécanique n’est pas la plus simple à comprendre lors de nos premiers instants, et peut parfois sembler redondante, mais elle permet néanmoins au joueur de prendre un rôle actif dans la narration, ce qui fait parfois défaut dans les jeux vidéo du genre.

 

Des thèmes intéressants, mais moins personnels

Pendant les quelque trois heures que durent le jeu, Tacoma aborde de nombreux sujets. On parle d’intelligence artificielle, du futur du monde du travail, de l’éducation, des grandes entreprises et de plusieurs autres sujets qui sont chers aux amateurs de technologies. Tacoma est d’ailleurs beaucoup plus une œuvre d’anticipation que de science-fiction.

 

Par exemple? En 2088, les universités appartiennent à des entreprises, comme Amazon ou Hilton, qui « oublient » une partie des dettes scolaires de ses étudiants qui choisissent de travailler pour la compagnie après leurs études. Un concept qui n’est pas si futuriste que ça, alors que le fabricant britannique Dyson s’apprête justement à lancer sa propre université. Un établissement gratuit, à condition de travailler pour Dyson…

 

On y découvre aussi six personnages dans leur intimité. L’introspection est plus subtile que dans Gone Home, mais elle touche aussi un peu moins la cible, probablement parce qu’il y a tout simplement trop de personnages pour un jeu aussi court. Difficile de s’intéresser à une conversation par messagerie texte entre un astronaute et son conjoint sur terre si on doit aussi s’en faire avec les frustrations professionnelles d’un ingénieur, la solitude d’un médecin, la vie amoureuse de deux astronautes et j’en passe.

 

En voulant pousser la réflexion plus loin que dans Gone Home, le studio Fullbright s’éparpille et est moins percutant dans les thèmes qu’il souhaite aborder. C’est dommage, car tous les éléments de Tacoma seraient intéressants s’ils avaient été un peu mieux développés.

 

Tacoma demeure néanmoins un excellent jeu, qui raconte une histoire intelligente et à sa manière. On y joue comme on écoute un film, d’un seul coup, et on y réfléchit comme on le fait avec une œuvre de qualité, en repensant aux divers dilemmes qui nous ont été présentés et en tirant parfois des parallèles avec sa propre vie.

 

Tacoma est offert pour environ 20$ sur Linux, Mac, Xbox One et Windows 10.

Note : 8/10 (joué sur Xbox One)

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