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Vendredi couleur goyave

NEW YORK, NY - NOVEMBER 22: People shop at the Herald Square Macy's Flag ship store for the early Black Friday sales on November 22, 2018 in New York City. Known as 'Black Friday', the day after Thanksgiving marks the beginning of the holiday shopping season, with many retailers opening their doors on Thursday evening. (Photo by David Dee Delgado/Getty Images) Photo: Getty Images

Doux novembre et volupté à vous! Alors? Comment vivez-vous ce vendredi tout spécifique? On en roucoule chaque année, de ce noir vendredi, regards ahuris devant les foules qui se massent dans les grandes surfaces américaines, prêtes à se battre à coup de poêlonne pour pouvoir profiter d’un rabais de huit piastres JAMAIS VU sur les machines à pain. Mais ce qui arrive, c’est que la chaleureuse tradition américaine semble, plus que jamais, s’étirer le jarret jusqu’ici.

T’auras beau habiter Pohénégamook, toi aussi, Suzie, tu peux te rincer pupille et porte-monnaie dans la déferlante de possibilités de parures de tête en velours en grrrrrrosse vente (ce que je viens moi-même de faire, âme en berne et petit drapeau de ti-zèffe brandi). Jamais, de mes 37 Noëls, ne fus-je autant sollicitée par de fulgurants rabais et offres en bas résille. DE TOUTES PARTS. Je murmure «goyave» au fond de ma cuisine, et voilà que mes réseaux sociaux me mitraillent de pubs de tisheurtes aux imprimés de lubrique-goyave-qui-fait-coucou, de ces boucles d’oreilles de créateur qui, lui aussi, aime ça, les goyaves et de ce VUS flambette en gros escompte du vendredi nouare avec, ah ben ‘gard donc ça! des couvre-banquettes COULEUR GOYAVE présentés par Antoine Bertrand. On m’épie le désir et l’assouvit illico à grands coups de bisous.

Bon. Cet exemple est certes fourbe (et surtout peu attrayant pour ceux qui préfèrent les patates). Mais en plus d’être démesurément sensible à la compulsion d’achat de biens qui me rendent malheureuse, je dois ajouter que cette période de soldes enfoncés par la glotte me fragilise, chaque année. Même si je m’y prépare. Même si je tente d’avancer, à pas dociles, en tenant les rênes du cheval fou qui s’emballe vers un ravin rempli de colis avec mon nom écrit dessus. Ce qui me sidère et m’attriste encore plus, tout particulièrement cette année, c’est que je vois les gens d’ici, nos créateurs, nos commerçants et crafteux locaux se débattre dans cette mer de soldes indécents. Tenter, eux aussi, depuis une semaine – que voulez-vous qu’ils fassent d’autre – de se démarquer, de semer un petit 20% de rabais sur leurs maigres profits, pour tâcher de rediriger les achats du Thanksgiving ici, plutôt que là-bas. Et on est là, en belle gang de plaisanciers tirés lousses dans l’océan, à sourire jaune crème, joues rosines et canneberges au four, en pleine noyade sur des airs de Bing Crosby.

Je me suis levée, ce matin, nerveuse, STRESSÉE de rater un solde sur une chose sotte qui me chuchote des mots doux depuis des semaines. Avant même d’embrasser le petit crâne de laine de mon chien, je suis allée vérifier, pétrie d’une véritable angoisse, si l’objet de ma convoitise se faisait aller les miches à prix réduit. Une magnifique humaine, oui. Et puis voilà. Jusqu’aux jonquilles, on me parlera de bonnes affaires à ne pas rater. De stocks à écouler. On me murmurera les choses qui me séduisent le bulbe et le vice, direct dans le talon d’Achille, parce qu’on m’y connaît grain. Parce qu’on connaît la force à appliquer pour me faire chavirer.

À vos petits flotteurs de bras, tous.

La bise.

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