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La jolie goutte lisse

Foulard lumière

Pâquerettes sur le crâne et chantilly, vous qui, peut-être, avez le post-Saint-Valentin dans les baskets. J’ai pour vous heureuse nouvelle! ÇA Y EST. Nous connaissons désormais l’identité des 59 nouveaux émoticônes à s’ajouter à la bourse déjà bien garnie de petits dessins qui agrémentent vos textos quotidiens (petit arbre feuillu, petit sapin, petit sapin; je complète souvent mes messages ainsi, avec la certitude que le destinataire reçoit la bouffée d’air frais d’une forêt boréale de septembre).

Chaque fois que la nouvelle de nouveaux émoticônes fait rissoler le lardon de ma torpeur, j’aime (J’AIME BEAUCOUP) imaginer les rencontres ayant lieu au sommet d’un gratte-ciel aux contours futuristes; des rencontres où des gens bien, vêtus de costumes trois-pièces et maîtrisant le maniement d’une baguette-pointeuse à merveille au moment venu de pointer des affaires sur un grand papier, présentent fébrilement ce qu’ils estiment être les nouveaux émoticônes dont le bon peuple a besoin.

«Un paresseux! Une livre de beurre – NON : UNE GOUSSE D’AIL!» [Petit applaudissement de golf discret, champagnette sabrée et Polaroïd avec franche poignée de main qui scelle le deal.] Cette année, le consortium Unicode – les gens en costard qui pointent avec la baguette d’un geste gracile – a orienté sa sélection vers des petits dessins inclusifs, avec célébration toute particulière de handicaps divers et des genres. Du joli!

J’ai toutefois vacillé de mon tabourette quand je caressai le statut d’une âme en fête affirmant sans détour que cette chaude fournée de petits pictogrammes réservait ENFIN aux femmes ce qu’elles attendaient en rongeant les cadres de porte depuis l’avènement de la pilule contraceptive : un émoticône de menstruation.

Enfin, un émoticône de goutte rouge scintillante aux contours bien lisses, comme les pupilles de Liza Frulla devant un majeur brandi. Parce qu’au départ, c’est une petite culotte tachée de sang – une petite culotte que nous possédons toutes, quelque part dans le fond du tiroir, en moult exemplaires – qui avait été soumise au conseil. Les disciples de la bonne coupe, du bon prix et de la bonne réputation auraient avalé avec peine leur petite gorgée surette et rejeté sans hésiter (d’une main gantée deux fois plutôt qu’une) l’odieuse image du sous-vêtement souillé parce qu’ils… ben parce que c’était pas joli, pis ça s’arrête là, hein. Hé! On veut bien offrir aux dames le visuel requis pour leur permettre de cancaner discrètement à propos de leurs excretas utérins sans qu’elles aient à manier le champ lexical salaud d’une menstruation dans un mondain texto, mais ’faut pas pousser mémé.

Nourrissais-je l’espoir transi de me voir enfin offrir un dessin pour discuter Fallope avec mon prochain? Eh bien, je me surprends à m’en réjouir. Parce que le dessin éduque. Le dessin banalise. Il désacralise ce qu’on souhaitait cacher, ce qu’on estimait sale et ce qu’on peine encore à verbaliser dans les plus simples conversations.

C’eût été pourtant si simple, si heureux! que pour une fois, on ne polisse pas le dessin de ce qui est tout naturel pour le rendre plus digeste aux âmes sensibles qui préfèrent les pubs de serviettes sanitaires de madames positives et sportives-pas-de-crampes faisant la split en ne tachant jamais leurs leggings blancs.

Allez chez le yâbe. Et la bise.

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