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Ode au Scrabble

Photo: Getty Images

Les jeux de société ont recommencé à avoir la cote il y a quelques années et, je l’avoue, ça me fait vraiment plaisir. On a même troqué des clubs qui faisaient jouer jadis du gros boum boum – où on dansait en se frottant sur du monde plein de sueur, parfois même dans des cages ou sur des poteaux – pour des bars avec des plantes, de la musique indie et des jeux de table. Je ne sais pas trop pourquoi et comment le changement s’est effectué, mais je n’y vois que du positif pour notre cerveau collectif.

Cependant, entre les tables de Mississipi, les montagnes de Jenga, les parties de Skip Bo ou les rondes de L’osti d’jeu, il me semble qu’il y a un grand oublié qui mérite d’être dépoussiéré: mon vieil amour, le Scrabble.

Tout a commencé chez ma grand-mère Jeannine. Je devais avoir à peine 10 ans et je buvais du thé orange pekoe avec du lait, comme elle, dans une tasse fleurie, assise à la table devant mon support à lettres et les sept petites tuiles de bois qu’il présentait, tout en me disant: «  Maudit que c’est plate ce jeu-là!» Oui, je trouvais ça plate à mort parce que ma grand-mère connaissait pratiquement par cœur le dictionnaire du Scrabble et ses mots de trois lettres avec des Y, des W et des Z qui lui faisaient amasser des points sans bon sens, et parce qu’elle ne se sentait même pas mal de donner une raclée à sa petite-fille de niveau primaire à un jeu où elle avait clairement l’avantage. Mais à force de passer des après-midis chez elle à être presque obligée de jouer au Scrabble, j’ai fini par réussir à enligner des lettres pour former des mots plus complexes que «le», «la» et «les» et, surtout, j’ai réussi à feinter grand-maman Jeannine et lui voler les cases payantes une fois de temps en temps. C’est comme ça que l’histoire d’amour est née.

Au fond, c’est le même principe pour n’importe quel sport ou n’importe quel jeu: plus on pratique, meilleur on devient, mieux on l’apprécie. Je ne vous apprends rien. Mais le Scrabble a ce petit quelque chose que le Uno et Clue n’auront jamais: la richesse du vocabulaire. Le jeu nous force à apprendre de nouveaux mots et du même coup connaître leur définition, parfois même leur origine. Il élargit nos connaissances d’une façon ludique et agréable – plus ou moins agréable au début quand on se fait clancher par notre grand-mère, j’avoue, mais ça s’améliore avec le temps. Au fil des parties j’ai appris entre autres que le wu est un dialecte chinois, que le kif est un pollen du chanvre qui devient le haschich (info pratique à l’approche du 17 octobre), et que le zef est un vent violent. Je ne glisserai probablement jamais ces mots-là dans une conversation pour avoir l’air brillante, c’est vrai. Mais à l’ère des textos où les mots sont trop souvent remplacés par des emojis ou des gifs, la gymnastique cérébrale qu’est le Scrabble est encore plus pertinente qu’elle ne l’était au temps de ma grand-mère. Jeannine m’a transmis son amour du Scrabble et m’a fait prendre conscience du pouvoir des mots.

Alors si on me demande aujourd’hui ce que je préfère entre une soirée dans un club qui joue du boum boum à me frotter sur des inconnus suintants ou un après-midi pluvieux en mou avec une tasse de thé à essayer de placer un W sur une case «lettre compte triple»… vous saurez deviner ma réponse.

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