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Journal d’une poilue

Woman shaving hairy legs with plastic razor Photo: Getty Images/iStockphoto

Quand j’étais enfant et que j’ai commencé à avoir du poil apparent sur les jambes, il me semble que j’ai aimé ça. Je trouvais ça drôle, ou fascinant, ou un peu des deux, je ne sais plus trop. Mais on m’a vite fait savoir qu’il fallait que je m’en débarrasse. Les filles doivent enlever leur poil et les gars, eux, peuvent le garder. Je ne crois pas que quelqu’un m’ait expliqué pourquoi: c’était juste comme ça, c’est tout. C’était normal.

Il faut dire que j’ai pogné le jackpot à la loto de la pilosité, parce que je suis une femme et non seulement j’ai beaucoup de poil, mais il est foncé et épais en plus. J’avais 11 ans quand ma grande sœur m’a épilé les jambes à la cire pour la première fois. Les aisselles ont suivi dans la même année. En entrant au secondaire, j’ai aussi commencé à raser mes cuisses, dont le poil était trop foncé à mon goût, comparé à mes amies qui avaient à peine un petit duvet brillant sur les jambes. Je le trouvais dégueulasse, mon maudit poil. J’ai épilé mes bras, bleaché ma moustache, ma ligne de nombril et le duvet du bas de mon dos. C’était un peu lourd comme routine pour réussir à être bien dans sa peau.

On commence tellement tôt à enlever le poil du corps des filles que j’ai l’impression que les garçons n’ont même pas le temps de réaliser qu’elles en ont. Dans une soirée semi-arrosée à l’université, un ami a lancé (dans la conversation qui était très peu édifiante, précisons-le): «Ouin mais vous les filles, vous avez pas de poil de raie!» Les filles du groupe ont toutes éclaté de rire, convaincues qu’il venait de faire une joke sarcastique du genre «Les filles ça pète pas pis ça rote pas»… mais il était sérieux. Il n’avait jamais vu de poil dans la craque de fesses d’une fille, donc les filles n’avaient pas de poil dans la craque de fesses. Il avait 21 ans quand il a appris qu’elles en avaient, finalement. C’est fou quand même.

Avec le mouvement Januhairy qui prend de la place sur les médias sociaux depuis une semaine, on se rend bien compte que parler de poil fait encore réagir et écœure encore beaucoup de gens. En fait, parler de poil FÉMININ fait encore réagir et écœure encore beaucoup de gens. Est-ce que je suis la seule à trouver que ce serait le fun que tout le monde comprenne que les femmes ont effectivement du poil, qu’on en revienne et qu’on passe à autre chose?

J’imagine que ça commence avec l’éducation de nos enfants. Quelque chose de simple du genre:

«Les gars, les filles, tout le monde a du poil. Par le passé, les gars le gardaient et les filles l’enlevaient parce que quelqu’un, un moment donné, a trouvé qu’une fille sans poil c’était plus cute. Mais tout le monde a des goûts différents, alors si vous voulez garder votre poil et que vous êtes une fille, c’est correct. Et si vous voulez enlever votre poil et que vous êtes un gars, c’est correct aussi. Vous pouvez avoir une préférence, mais souvenez-vous que le poil, c’est pas dégueu, c’est juste normal.»

Tsé, la base. Tout le monde s’en portera mieux et Januhairy redeviendra January parce que le corps des autres, poilu ou pas poilu, ne nous regarde vraiment pas dans le fond.

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