Climat: une faim sans frontières

La «panique écologique» liée au réchauffement de la planète pourrait donner naissance à un nouveau nazisme. L’avertissement ne vient pas de la Conférence des Nations unies sur le climat à Paris, mais d’un historien américain pour qui le concept de lebensraum (espace vital) de Hitler est toujours d’actualité.

Le dictateur allemand avait envahi l’Union soviétique en 1941 pour mettre surtout la main sur les terres fertiles de l’Ukraine, rappelle Timothy Snyder dans Black Earth.

Il en avait besoin pour fournir plus de nourriture à l’Allemagne, et son obsession était de sécuriser les ressources de l’Europe pour son peuple, précise le professeur de l’université Yale dans son livre paru cette année.

Avec les changements climatiques viennent les incertitudes alimentaires. Des États s’interrogent déjà, «inquiets de nourrir leur propre population grandissante ou de maintenir un niveau de vie croissant».

À quels pays pense Snyder? À la Chine surtout. À l’instar de l’Allemagne d’avant-guerre, l’État le plus peuplé de la planète est une puissance industrielle incapable de nourrir sa population avec ses seules ressources. Et alors? Cela pourrait le rendre «perméable au retour d’idées telles que le lebensraum».

Mais l’«espace vital» dont ont besoin les Chinois ne se trouve-t-il pas déjà en Afrique? C’est bien connu, la deuxième économie mondiale achète ou loue une bonne partie des terres arables africaines, qui représentent le quart des sols fertiles de la planète.

Les prairies canadiennes qui s’étendent à perte de vue sont également dans la mire chinoise. Pour les ONG, ces transactions foncières, pratiquées aussi par d’autres pays en mal d’espace, sont tout simplement de l’«agro- impérialisme».

Les risques de guerre seront-ils plus grands avec le réchauffement climatique? «Il y aura toujours des facteurs politiques locaux, mais le réchauffement global rendra les conflits plus probables, poussant les gens à quitter le sud pour le nord», explique Snyder dans un échange de courriels.

Attention néanmoins aux conclusions hâtives. Les premières années du siècle ont été chaudes, mais… Le nombre de conflits n’a jamais été aussi bas depuis les années 1970. Gare également aux mots qui frappent les esprits. «Apocalypse» et «génocide» se glissent parfois dans le discours de certains écologistes pour nous rappeler que nous finirons tous carbonisés si un frein n’est pas rapidement mis aux gaz à effet de serre.

Timothy Snyder, lui, ne veut surtout pas jouer au prophète de malheur en parlant de lebensraum, un concept dangereux à l’heure du réchauffement climatique, qui engendrera des pénuries alimentaires et éventuellement des conflits de toutes sortes. L’historien tient cependant à nous rappeler ces mots de Joseph Goebbels, le chef de la propagande nazie : le but d’une guerre, c’est d’avoir «un grand petit-déjeuner, un grand déjeuner et un grand dîner».

Dans tous les cas, avec ou sans conflit, sensibiliser le public au réchauffement climatique en lui parlant de son estomac est plus efficace que de disserter sur la fonte des glaces.

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