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Le zoo de la LNH

Photo: Getty Images

Je suis allé au Zoo de Granby cette semaine avec mes enfants. Une chose m’a particulièrement étonné: les tigres de l’Amour n’avaient pas l’air de triper dans leur minuscule espace, alors même que la guide nous expliquait candidement que, dans leur habitat naturel, chaque représentant de cette espèce vit dans un territoire de chasse de 500km, en solitaire. C’est l’équivalent de demander à un joueur de centre de rester derrière son propre filet durant toute une game. Ordinaire.

Évidemment, on me rétorquera que l’humanité a fait beaucoup de chemin depuis 100 ans, car au début du XXe siècle, il se trouvait encore du monde pour aller au zoo afin d’y voir des humains jugés barbares. Cela s’appelait des expositions ethnologiques, des foires ethniques ou encore des zoos humains. Et c’était cave. Je ne sais pas si c’est la chaleur caniculaire qui m’a fait halluciner, ou la vue de tous ces visiteurs au zoo qui arboraient des casquettes de Canadien, mais je me suis mis à voir des liens entre les foires ethniques et un match moderne de la Ligne nationale de hockey.

L’idée des zoos humains, c’était de montrer l’Autre dans toute sa différence. Et de se penser bon en se disant: «Heille, on n’est pas de même nous autres, hein.» À l’inverse, dans la LNH, il se trouve aujourd’hui de nombreux joueurs issus de cultures diverses, mais à qui on demande de jouer non pas comme ils le feraient chez eux, avec grâce et esthétisme, mais plutôt comme on joue ici: en dompant le puck et en patinant vite pour aller le chercher dans le coin. Sans parler des patinoires européennes, qui sont beaucoup plus grandes que les nôtres et de ces joueurs qui, comme le tigre de l’Amour, se trouvent donc confinés à un petit habitat, alors même que les commentateurs de matchs affirment le contraire, dans un français approximatif.

Il ne faut pas se surprendre, l’été venu, que les joueurs de hockey issus d’autres cultures aient envie de retourner à la maison. Ainsi qu’une fois leur carrière terminée. Il y a des animaux au Zoo de Granby qui avaient l’air de n’espérer que ça, à commencer par les chevreuils, dont aucun ne m’a pourtant fait penser à Russ Courtnall. #spécisme

Plus globalement, je me suis senti mal en pensant au classement que l’on fait des joueurs de hockey: joueur de concession, attaquant de puissance, joueur défensif, bagarreur, plombier ou jambon, etc. Ça m’a rappelé les classements des humains faits par le père de la pensée racialiste, Arthur de Gobineau, dans son livre Essai sur l’inégalité des races humaines, paru en 1853. Et qui légitimait les zoos humains.

Que celui qui pense que Canadien se remettrait à gagner des Coupes Stanley en série s’il y avait plus de Québécois dans l’équipe lise Race et histoire de Claude-Lévi Strauss, paru en 1952. Le bonhomme y réfute admirablement les thèses de Gobineau. Si vous voulez, vous pouvez même le commencer par la fin, comme vous le faites avec Le Journal de Montréal.

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