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Mon garçon et Canadien

Montreal Canadiens' Jonathan Drouin, right, celebrates his goal past Buffalo Sabres goaltender Linus Ullmark with teammate Jordie Benn during first period NHL hockey action in Montreal on Thursday, November 8, 2018. THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson Photo: THE CANADIAN PRESS

Je suis sociologue de formation et fan de Canadien; on ne peut pas être parfait. Et en tant que père de trois enfants, une chose m’intéresse plus que tout : la socialisation. Décroche pas, lecteur. Je t’explique. C’est le processus par lequel l’individu fait l’apprentissage du plan de match de la vie en société, intériorise les normes et les valeurs et, aussi, par lequel il 
se construit et qu’on désigne par ce mot devenu presque maudit : l’identité. Bouh!

Mon garçon ayant les cheveux très longs et se faisant constamment dire qu’il est une belle petite fille, j’ai décidé d’en faire un fin connaisseur de Canadien, pour contrebalancer la chose un ti peu. Or, je me suis rendu compte que, pour un enfant de trois ans, l’intégration des connaissances en matière de Canadien n’est pas simple.

Parmi les premiers éléments enseignés à mon gars récemment, y a le fait qu’au hockey, on compte des buts en lançant la rondelle dans le net. Bon, l’an dernier, je dois avouer que la notion tardait à rentrer, mais à sa défense, Canadien scorait pas souvent. Et surtout, mon gars n’avait que deux ans. Y a des limites au développement cognitif prématuré.

Puis, la beauté est dans le regard d’un enfant, vous le savez. Tellement que cette saison, quand Canadien compte, il croit que les joueurs se font des câlins en guise de célébration. Dans son langage ça donne : «But câlin, papa!» Je te vois, lecteur, échapper un «Oh, cute». Mais non, parce que, dans la ruelle, ses amis refusent de lui donner un bec après un but.

Par ailleurs, pour lui, Carey Price est une fonction : celle de garder les buts. Ainsi, quand Price est benché, c’est un «autre Carey Price» qui goale. Ma blonde trouve que mes enseignements de Canadien font de lui un être qui chosifie déjà le monde. Or, c’est peut-être aussi parce que je lui lis La dialectique de la raison avant de se coucher et que Horkheimer et Adorno y jasent chosification en masse. Ce sera ça de pris pour ses études en philo.

Ma plus grande réussite, dans la transmission de ce qu’est «être un fan de Canadien», c’est de l’entendre parler «de» Canadien ou, encore mieux, de l’entendre en parler sans l’article devant, ce qui fait de Canadien une entité transcendantale.

Ma plus grande réussite, dans la transmission de ce qu’est «être un fan de Canadien», c’est de l’entendre parler «de» Canadien ou, encore mieux, de l’entendre en parler sans l’article devant, ce qui fait de Canadien une entité transcendantale. Ses chums de la garderie ne comprennent pas ce qu’il dit dans ce temps-là, mais ça lui fait un point dans le cahier de la différence. Dans notre monde, c’est payant.

Enfin, mon garçon s’appelle Émilien Pleau. Mais s’il va à l’UQAM un jour, j’aimerais qu’il se fasse appeler Larry Pleau, en l’honneur du seul Pleau à avoir joué pour Canadien. En plusse, Larry portait le numéro 26, mon numéro préféré – cela dit, c’est surtout parce qu’il fut aussi porté par Mats Naslund, mais chut. Puis, Émilien pense que Larry est son grand-père; mon entourage s’inquiète, mais pas moi, parce que s’il croit au père Noël, je peux bien lui faire croire que Larry est dans la famille. OK, là?

Répète après moi, Émilien : Canadien en 4. «Canadien en 4, papa!» Bravo. Bon garçon.

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