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Quel CauCHemar

journalistes Canadien
Jean-Philippe Pleau - Métro

En sociologie, on a tendance à expliquer le fait que les sociétés rêvent moins (notamment, d’un monde meilleur) que par le passé par la diminution du temps que les individus s’accordent pour s’ennuyer et ainsi laisser aux idées neuves la possibilité d’émerger. On appelle ça un fait social.

Or, depuis l’élimination de Canadien, le temps disponible des Québécois pour s’emmerder a crû aussi vite que l’eau de plusieurs rivières. Je ne doute pas que les fans de Canadien rêvent ces jours-ci d’un avenir plus radieux pour leur club, mais je ferai ici l’hypothèse que Marc Bergevin, lui, ne rêve pas. Au contraire : il fait des cauchemars.

Je m’explique. D’abord, il faut se poser la question suivante : qu’est-ce qu’un rêve? Ç’a l’air niaiseux vite de même, mais le propre de l’humain, c’est souvent de penser qu’il sait de quoi il parle alors, qu’au fond, quand on lui demande de définir une patente, soudainement, il ne sait pas s’y prendre. Le DG de Canadien est un bon exemple : on sait ce que ça fait un DG, mais jamais je ne pourrais définir la nature de ses tâches (à part faire beaucoup de bench press).

Je reviens aux rêves. Selon plusieurs experts de la chose onirique, un rêve doit normalement offrir un décalage important par rapport à la réalité ainsi qu’un regard neuf sur le monde; si ça ne se produit pas, ce n’est pas un rêve, mais un cauchemar. Le cauchemar aurait donc une dimension de proximité avec la réalité, ce qui le rendrait mauditement épeurant dans la mesure où sa plausibilité serait grande.

Revenons à Marc Bergevin. Qu’a-t-il fait depuis l’élimination de Canadien? A-t-il réalisé des rêves décalés par rapport à la réalité? Genre un échange fou malade pour aller chercher un marqueur de 50 buts? Ou un défenseur étoile habile de ses mains ET de ses pieds? À sa décharge, vous me direz que ce n’est pas permis actuellement par la Ligne nationale de hockey, car la période des transactions est terminée. N’empêche, s’il avait voulu faire un rêve, un vrai, c’est-à-dire complètement décalé par rapport au réel, il aurait pris les moyens de le faire.

À la place, il a signé Christian Folin pour un an. Et au moment d’écrire cet article, il venait même de signer, pour un an aussi, Nate Thompson. Méchant cauchemar; on dirait la saison 2018-2019 qui se prolonge. En fait, le seul décalage par rapport à la réalité, c’est l’opération au genou de Jesperi Kotkaniemi. Personne (même pas KK lui-même) n’avait l’air de savoir qu’il était blessé.

Petit saut dans l’histoire. Le philosophe grec Hippocrate (460-377 avant J.-C.) était fasciné par le concept de cauchemar. Lui pis sa gang de chums médecins qualifiaient cette réalité en utilisant le mot «incubus», qui voulait dire «se coucher sur». En gros, les gens de l’époque définissaient le cauchemar comme la sensation d’avoir quelqu’un assis sur sa poitrine. On parlait même carrément de la présence d’un étouffeur sur la cage thoracique des gens.

Ça me rappelle mon cauchemar d’hier : j’avais l’impression d’étouffer. J’étais vêtu de mon pyjama de Canadien, et tout le poids de l’incompétence de Marc Bergevin m’oppressait la poitrine. Je me suis réveillé, et j’ai pondu ce texte d’un trait. C’est toujours ça de pris.

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