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Le bonheur du fan

journalistes Canadien

Il est où le bonheur, il est où? Bon, vous m’excuserez de vous avoir mis dans la tête la chanson de Christophe Maé; n’empêche, c’est vraiment la question que je me pose à l’approche de la nouvelle saison de Canadien. Il est où mon bonheur de fan? Le vôtre, il est où, le savez-vous?

Encore faut-il savoir de quoi on parle, j’en conviens. Selon le philosophe français André Compte-Sponville (ou peut-être est-ce Comte-Sponville, je m’excuse, ça me tentait pas de vérifier sur Google), le bonheur «est le désirable absolu, qui vaut par soi seul, la satisfaction ultime vers quoi toutes les satisfactions tendent, le plaisir complet sans lequel tout plaisir est incomplet, bref, c’est le but sans but». Cela mérite réflexion, avouez.

Si le bonheur est le but sans but, il est donc l’équivalent d’un tir vers la zone adverse en direction de l’endroit où se trouve habituellement le but, mais malgré que le filet ne soit pas dans ses amarres habituelles, en résulte néanmoins une célébration joyeuse comme si vous veniez de toucher la cible. Curieux le bonheur, tout de même.

Plus que ça en fait, le bonheur serait intimement lié à la notion de désir, selon Marque-Sponville. En effet, car le bonheur, c’est ce qui nous permet d’imaginer, de désirer. Or, qu’est-ce que le désir? Réponse : un manque. «Je manque toujours de ce que je désire et je ne désire jamais ce que j’ai», croit Score-Sponville.

Eh bien voilà, il est là mon bonheur de fan : dans le désir de ce qui me manque. Jadis, Canadien gagnait toujours et j’estime actuellement ne pouvoir être heureux qu’en désirant voir Canadien regagner pour toujours. Parce que Canadien qui perd, ce que j’ai depuis des années, je ne désire pas ça et ça me rend malheureux. À cet effet, j’imagine Gaston Therrien, devant son tableau interactif, poser cette question aux téléspectateurs : «Vous, les fans malheureux de Canadien, ne pourriez-vous pas être capables de désirer ce que vous avez plutôt que de ne désirer que ce qui vous manque?» En effet, l’enjeu principal est là, si vous voulez mon avis. Et entre vous et moi, je soupçonne Therrien d’aimer la philo.

Cela dit, l’affaire, c’est que le fan malheureux de Canadien se trouve philosophiquement pris dans un cul-de-sac. Je m’explique. Toujours selon Enfile-Sponville, c’est que le vrai bonheur ne serait pas dans l’avoir; il ne serait pas dans l’être non plus. Non. Le vrai bonheur serait dans le faire, dans l’action.

Ainsi, [Compte-Sponville] croit que la lucidité, la mélancolie, voire la souffrance nous rapprochent du bonheur, car elles nous font agir pour changer les choses.

Or, le fan malheureux n’a pas de pouvoir sur Canadien. Ce n’est pas lui qui repêche, c’est le jambon à Timmins. Ce n’est pas lui qui procède aux échanges non plus, c’est le motté à Bergevin. Ce n’est pas lui qui score non plus pour Canadien. En fait, ça, c’est personne.

Que lui reste-t-il pour espérer être heureux, alors? Si le bonheur est effectivement dans le faire, je ne vois qu’une solution : prendre pour une autre équipe. Désormais, moi, je prends pour Boston. Go Bruins Go!

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