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Le besoin de communauté

Cette semaine, j’ai participé à une retraite avec mes collègues de bureau. Au départ, quand on m’a présenté l’idée, j’ai répondu que j’envisageais de passer ma retraite SANS mes collègues de bureau, mais on m’a expliqué que cet exercice était plutôt l’occasion d’un moment de détente dans un endroit champêtre pour renforcer l’esprit d’équipe.

Le matin de mon arrivée, j’ai fait la connaissance d’une femme dans la vingtaine qui enseignait au centre où nous logions. Après avoir appris que je travaille dans l’édition, elle me dit:

– Mon amie est médium. Elle communique avec les animaux par télépathie. Elle aimerait bien faire un livre où elle explique aux enfants le sens des totems d’animaux. Par exemple, que l’éléphant, c’est l’animal de la mémoire de la Terre. Que les baleines sont la mémoire de l’eau dans le sens où elles captent l’énergie cosmique des étoiles et la rejettent dans l’eau avec leurs chants, etc.

La jeune femme avait dit ces quelques phrases sur un ton neutre, comme s’il s’agissait des simples affirmations, comme si elle voulait nous rappeler ce que nous savions déjà. C’était fascinant, aurait dit Charles Tisseyre devant un tel spectacle de la nature. Parce qu’en effet, ce genre de croyances viennent tout naturellement aux êtres humains et semblent souvent même être leur position par défaut.

Il y a un éclair dans le ciel? Les dieux sont mécontents. La mer est mauvaise? Poséidon s’est probablement réveillé avec une gueule de bois. Etc.

Il serait tentant, à notre époque, d’évacuer ce genre de croyances parce qu’elles nous semblent absurdes ou irrationnelles. Mais quand on considère leur incroyable prévalence aujourd’hui encore dans la plupart des cultures (dont les nôtres), il est intéressant d’essayer de comprendre ces phénomènes en utilisant l’idée du besoin de communauté. Ce besoin de communauté, c’est le désir, présent sous une forme ou une autre chez la plupart d’entre nous, de faire partie de quelque chose: d’un pays, d’une équipe, d’une allégeance politique, d’un régime alimentaire, d’une religion, etc.

Prenons l’exemple des Flat-Earthers, ces gens rigolos qui pensent que la Terre est plate. En présence d’objections scientifiques, ces personnes sont bien obligées de se réfugier dans un argument conspirationniste du type «on nous ment» avant de se regrouper en communautés qui pensent pareil. Au final, la véritable motivation est davantage de faire partie de cette «équipe» qui ne gobe pas le «mensonge» officiel; pas vraiment que la Terre soit ronde, plate ou en forme de pain aux bananes. Ce même phénomène semble aussi à l’œuvre dans notre tendance à nous regrouper en familles politiques : on se réfugie avec des gens qui pensent comme nous, qui se racontent les mêmes histoires sur ce qu’est ou devrait être une société juste, quand bien même ces histoires sont contradictoires et incomplètes.

***

Bref, cette jeune personne rencontrée pendant ma retraite a semblé confirmer cette théorie en m’invitant cordialement à un souper avec tous ses amis médiums, ceux-là mêmes qui parlent aux crustacés par la pensée.

J’ai poliment décliné l’invitation.

Parce que, personnellement, je préfère appartenir à une communauté qui les mange, ces crustacés.

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