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Les philosophes sur Instagram

Young woman taking a selfie on a city street Photo: Getty Images/iStockphoto

Je me retiens souvent de parler de philosophie, car j’aurais un peu le sentiment d’être un imposteur. En effet, bien que j’aie complété mes études universitaires dans cette discipline (avec assez de succès, oui, c’est gentil de le demander), je n’en ai pas fait ma profession. Je me retiens aussi parce qu’une partie de moi frémit de dégoût devant le côté solennel, grandiloquent et donneur-de-leçons de certains de ces «philosophes publics» qui prennent la parole sur toutes les tribunes, le plus souvent pour mousser leur propre ego en étalant leur érudition poussiéreuse comme s’il s’agissait de beurre de pinottes.

Par contre, mon histoire d’amour avec la philosophie, elle, brûle toujours comme au premier jour. Ce besoin de comprendre comment fonctionne l’esprit humain, comment nous comprenons le monde et comment nous construisons les histoires qui donnent du sens à notre existence et à notre action est encore profondément ancré en moi.

Pour faire simple, on divise souvent la philosophie en trois grandes branches: l’ontologie (qu’est-ce que le monde?), l’épistémologie (comment puis-je connaître le monde?) et l’éthique (comment dois-je agir dans le monde?).

Cette dernière branche, l’éthique, s’intéresse aux raisons et aux principes sur lesquels les individus, mais aussi les sociétés, fondent leurs actions. L’éthique est aussi une réflexion sur les normes et les valeurs, ces idées qui trônent au sommet de notre pyramide des choses importantes, qui motivent et orientent nos actions. Ces idées portent des noms éculés et utilisés à toutes les sauces, mais qui néanmoins résonnent encore très fort en nous; des mots comme justice, paix, bonheur, liberté, dignité, etc.

On peut aujourd’hui regarder avec un sourire en coin les croyances farfelues des penseurs du passé en matière de cosmologie, de météorologie ou de médecine. Mais en éthique, leurs réflexions sont encore criantes de vérité et peut-être plus pertinentes que jamais.

Prenons l’exemple d’Instagram, ce site web fascinant qui permet à chacun d’être son propre paparazzi. Sans porter aucun jugement moral sur ce que les gens publient sur Instagram, on est en droit se poser une question que les philosophes se posaient déjà il y a 2 400 ans: est-ce que la recherche de gloire, de popularité et de richesse est un chemin sûr pour atteindre le bonheur? Une jeune personne qui utilise sa beauté (tiens, un autre concept philosophique) pour obtenir toujours plus d’abonnés ou toujours plus d’admiratrices qui l’abreuvent de compliments sous forme d’emojis admiratifs, construit-elle des fondations solides pour son autonomie émotionnelle future? La plupart des philosophes de l’histoire répondraient que se nourrir exclusivement du jugement des autres et se noyer dans le culte de l’apparence sont les ingrédients parfaits d’une vie malheureuse.

Ça ne veut pas dire que des sites comme Instagram sont condamnés à nous apporter du malheur. Ils sont en réalité des coquilles vides et on n’y apporte que ce que nous sommes. C’est donc d’abord une réflexion à l’extérieur de ces plateformes, une réflexion sur nos valeurs et sur ce à quoi nous aspirons, comme individu et comme société, qu’il faut avoir.

Et pour ce faire, la philosophie est une ressource d’une richesse inépuisable.

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