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Pour ou contre la liberté d’expression

En écrivant ce blogue, je contreviens peut-être aux nouvelles règles que le gouvernement souhaite imposer aux organismes charitables canadiens, mais je vous le dis d’entrée de jeu, jamais une règle administrative ou fiscale ne pourra empêcher Équiterre de prendre la parole publiquement!

Comme l’a souligné un reportage de CBC jeudi dernier, il semble que Revenu Canada ait ciblé les groupes environnementaux canadiens qui ont l’habitude de prendre la parole sur des questions comme les changements climatiques, les sables bitumineux ou les pipelines. Au moins sept groupes écolos majeurs dont Équiterre font l’objet d’un audit de Revenu Canada. Le but de ces audits est d’évaluer si ce qu’on dit publiquement est trop politique.

Comme organisme charitable, nous avons la possibilité de remettre un reçu d’impôt à nos donateurs. C’est un avantage important et, en ce sens, il est tout à fait normal que le gouvernement puisse vérifier nos finances et nos activités périodiquement. Il existe toutefois plus de 85 000 organismes charitables aux pays et Revenu Canada est en mesure de faire des audits pour à peine 1% d’entre eux annuellement. Le fait que sept groupes écologistes parmi les plus actifs au pays fassent tous l’objet d’un audit simultanément n’est pas un hasard!

Nous avons été ciblés parce que notre voix dérange le gouvernement.

L’enjeu est qu’un organisme charitable ne peut pas consacrer plus de 10 % de ses ressources à des activités politiques et ne peut en aucun temps agir de façon partisane. Une activité politique serait, par exemple, le fait de demander à nos membres d’écrire au ministre de l’Environnement pour lui demander de s’opposer à un pipeline. Une activité partisane serait de demander à nos membres de ne pas voter pour ce même ministre lors des prochaines élections.

Jusqu’ici, tout va bien. Équiterre et 99 % des organismes charitables canadiens respectent ces consignes. Il est évident, par exemple, qu’Équiterre fait un travail politique, c’est essentiel pour atteindre nos objectifs, mais nous n’y consacrons jamais plus de 10 % de nos ressources puisque nous déployons aussi d’énormes efforts à l’éducation du public, à la recherche et à la démonstration de solutions (comme la construction de la Maison du développement durable). Équiterre est par ailleurs non-partisan et n’a jamais incité ses membres ou le public à voter pour ou contre un parti ou un candidat (ce qui ne veut pas dire qu’on ne critique pas ce que des élus peuvent dire ou proposer).

Le problème c’est que depuis deux ans, les définitions de ce que Revenu Canada considère comme une activité politique ou une activité partisane semblent changer. Il est évident que le gouvernement aimerait restreindre de plus en plus ce que peuvent faire des groupes comme Équiterre.

Vont-ils nous enlever notre statut charitable parce que nous sommes trop vocaux? Nous ne le savons pas, mais dans le contexte actuel, cela ne serait pas surprenant.

Ce qui est le plus choquant n’est pas qu’ils aient ciblé Équiterre; ils ne pourront jamais nous faire taire. Ce qui m’inquiète, ce sont ces centaines de groupes plus petits, qui hésiteront dorénavant à prendre la parole par peur de perdre leur statut charitable.

Ce gouvernement a déjà dénigré publiquement les groupes environnementaux. Cela ne nous a pourtant pas empêchés de dénoncer les politiques antienvironnementales de ce gouvernement notamment à l’égard du développement des sables bitumineux, des projets de pipelines et de la déréglementation environnementale. Nous continuerons à nous opposer à ce type développement et au démantèlement des lois et institutions censées protéger l’environnement et assurer que les citoyens soient informés et consultés.

En fait, les gestes de ce gouvernement rendent le travail des groupes de notre secteur encore plus important et pertinent. C’est d’ailleurs aussi le cas des secteurs des droits de la personne, des groupes de femmes, du développement international et même des groupes religieux progressistes qui font aussi l’objet d’attaques systématique du gouvernement fédéral depuis 2006.

Il est essentiel que des groupes charitables puissent intervenir de façon non partisane sur les politiques publiques. J’ai un souvenir, dans les années 1970, d’être assis sur le siège arrière d’une voiture conduite par mon oncle qui avait une bière entre les jambes; c’était une pratique acceptée socialement. C’est seulement grâce au travail politique de groupes contre l’alcool au volant que cette pratique est maintenant inacceptable et que le taux de mortalité dans les accidents de la route a diminué drastiquement. La liste des politiques publiques qui sont le fruit du travail de groupes charitables est longue. Voulons-nous vraiment faire taire ces groupes?

Voulons-nous vraiment dire aux banques alimentaires, «donnez à manger aux pauvres, mais surtout, ne nous dites pas comment on pourrait faire pour réduire la pauvreté»?

Si Équiterre perd le droit de remettre un reçu aux fins d’impôt quand un citoyen nous fait un don, cela rendra peut-être notre financement plus difficile, mais nous ne cesserons jamais de dénoncer des projets et des politiques qui mettent en péril le futur de nos enfants; en commençant par leur liberté d’expression.

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