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First Contact

Photo: APTN

Vivre quelque part dans la forêt boréale nous déconnecte parfois un peu du reste du monde. Pendant que vous regardiez probablement les débats électoraux à la télévision mardi, nous étions beaucoup d’Autochtones à regarder ce qui est décrit comme l’émission la plus attendue de l’automne à APTN. First Contact, c’est six Canadiens qui sont confrontés à leurs préjugés sur les Autochtones, en allant à la rencontre de ceux-ci, dans différentes régions du Canada. On y voit des Autochtones en milieu urbain et d’autres en territoire, certains en milieu aisé et d’autres en situation de pauvreté, afin de montrer la diversité de nos réalités. Les débats se sont enchaînés, tout de suite après la première émission.

Celle-ci peut sembler positive et inoffensive, mais elle a provoqué de vives réactions dans les milieux autochtones. Les propos racistes que tiennent les participants de First Contact sont des stéréotypes que nous voyons à peu près chaque jour sur les réseaux sociaux, mais ça fait quand même mal de les entendre de vive voix et avec autant de conviction. Certains participants s’adoucissent au fil de la première émission, d’autres non. Pour des gens comme moi qui investissent beaucoup de temps à éduquer et à défaire les stéréotypes, c’est décourageant. L’un d’eux nie même que les pensionnats autochtones aient existé. J’ai arrêté de boire complètement, je consacre des efforts monumentaux à ma guérison, je passe du temps avec nuhkum, ma grand-mère, et je travaille en santé mentale avec les jeunes sur mon territoire. Je l’ai fait pour moi et pour mon bonheur, pour briser le cycle de souffrances et m’investir dans ma communauté, mais aussi toujours avec l’arrière-pensée de ne pas être votre stéréotype. Il est donc normal que nous soyons beaucoup à le prendre personnel.

Chelsea Vowel (@apihtawikosisan sur Twitter) a écrit un tweet qui met exactement le doigt sur le bobo: «Personne n’a à me convaincre de l’humanité de quelqu’un. C’est là où l’on diffère.» Un tweet sur lequel François Legault devrait méditer, mais ça, c’est un autre débat. Avoir à m’asseoir devant les histoires d’horreur de mes frères et sœurs, des histoires que je connais trop bien, et voir des gens quand même dire les mêmes bêtises qu’au début a été traumatisant un brin. Nuuhtauui, mon père, m’a déjà dit: «N’dansh, la patience est dans nos gènes.» J’ai par contre l’impression qu’on abuse de notre patience. Après tout ce qu’on a vécu, on les accueille quand même dans nos maisons et on partage nos histoires pour la centième fois, dans le simple but d’obtenir un minimum de respect. Le fardeau d’éduquer repose encore sur nos épaules.

Je pense que l’émission peut être importante pour les Allo­chtones, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire pour nous d’avoir à entendre d’autres histoires d’abus et de pensionnats autochtones. J’ai encore du mal à porter celles de ma famille, je n’ai pas besoin d’une couche de plus. J’aimerais aussi qu’on cesse de nous demander des histoires d’horreur en échange de droits humains.

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