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Le repos de la guerrière

chamans autochtones

Il y a 10 ans, mon père rendait hommage à ma grand-mère en publiant une lettre intitulée «Pour tes 80… hivers!» Aujourd’hui, en cette Journée internationale des femmes, nuhkum (ma grand-mère) célèbre ses 90 hivers.

Si les derniers mois ont été difficiles et ponctués de visites à l’hôpital, ils m’ont aussi permis de me rappeler tout le bonheur et l’amour que ma grand-mère a apportés dans nos vies. Malgré les circonstances, j’ai passé du temps de qualité avec elle. Étonnamment, même dans son état le plus vulnérable, elle prend le temps de me dire qu’elle m’aime et de me faire rire. J’ai brodé nerveusement à son chevet, parce que je trouve maintenant du réconfort dans les choses qu’elle a faites toute sa vie. «Miti, you ok?» m’a-t-elle dit, juste pour être sûre que je restais auprès d’elle et que j’étais bien.

Nous aimer est ce qu’elle fait de mieux. S’inquiéter aussi. L’autre jour, elle a pointé nawidjimagan (celui qui vit à mes côtés) d’un geste désinvolte et m’a demandé : «C’est ton copain?» J’ai acquiescé. Elle lui a alors demandé en eenou iyimun s’il travaillait, d’un ton inquisiteur. Nuhkum sait trop bien ce qui est arrivé à ses filles, ses petites-filles et à elle-même. Elle s’inquiète, naturellement, même si je sais au plus profond de moi qu’elle n’a rien à craindre. Elle s’inquiète comme trop de femmes de ma communauté. Cette semaine, j’ai vu mes tantes ressentir cette même inquiétude pour elle et donner en retour. La manière dont elles la bordent avant de quitter l’hôpital est une des plus belles cérémonies qu’il m’ait été donné de voir. Ces derniers mois en Eeyou Istchee m’ont appris beaucoup sur la complexité d’être une femme, surtout une femme autochtone. Inconsciemment, ma grand-mère m’a préparée à beaucoup de choses et m’a donné de grandes leçons d’humilité et de résilience. Grâce à elle, je suis devenue une femme, un peu plus.

Je ne sais pas trop quand ma grand-mère partira pour son dernier portage, mais elle semble prête, presque soulagée même. Maintenant, c’est à nous de faire notre bout de chemin. Parfois, je suis triste. D’autres jours, j’ai peur. Il y a des journées où le seul sentiment que j’éprouve, c’est énormément de gratitude, car elle a su mettre tellement de soleil dans ma vie ces derniers mois. Nuhkum a traversé maintes tempêtes et, malgré tout, elle a chaussé la majorité des pieds de ses 286 enfants et petits-enfants, avec des mocassins qu’elle a faits avec minutie et patience. Même si aujourd’hui je pense à toutes les femmes qui, comme ma grand-mère, sont le ciment de leur famille, ce 8 mars, je le lui dédie. Juste à elle.

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