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Essayer encore (2/2)

chamans autochtones
Maïtée Labrecque-Saganash

«Tout le monde veut sauver le caribou, mais personne ne veut laisser une partie de ses privilèges. Une trail de ski-doo, ce n’est quand même pas un droit. C’est un privilège», me dit Henri Jacob, président d’Action boréale. En 1984, le troupeau de caribous forestiers de Val-d’Or comptait environ une cinquantaine de bêtes. Aujourd’hui, il n’y en a qu’une douzaine. Mais comment le caribou de Val-d’Or en est-il arrivé là?

Les caribous forestiers ont besoin d’une vieille forêt pour prospérer. Des arbres matures en grand nombre pour créer un territoire assez fermé. Dans son film L’erreur boréale, Richard Desjardins nous a montré les ravages que l’industrie forestière a faits en Abitibi et dans le coin de ma communauté, à Waswanipi. La coupe a ouvert le territoire à l’orignal, qui mangeait les jeunes pousses, et l’orignal a aussi amené ses prédateurs. «Avant, peut-être un loup rentrait dans le territoire des caribous. Là, il y a environ trois meutes qui se tiennent dans le coin.» Trois meutes, c’est une situation très hostile pour des femelles avec des petits.

Cette semaine, le ministre de l’Environnement, Pierre Dufour, annonçait qu’il n’y aurait pas de stratégie de protection pour le caribou forestier et montagnard avant 2022. Il souhaite plutôt consulter les biologistes, les communautés autochtones, les groupes communautaires et les compagnies forestières, «pour arriver à un juste milieu». Action boréale avait déjà proposé plusieurs pistes de solutions, comme restreindre la circulation dans le territoire où se trouve les bêtes, et cesser la coupe d’arbres. Le gouvernement, à l’époque, a refusé de fermer les chemins, et ça ne plaisait pas aux motoneigistes. Un colloque sur le caribou, organisé en partenariat avec les communautés anishnabe, avait déjà aussi eu lieu en 2009, et un comité de rétablissement était ressorti de tout ça. Action boréale avait également proposé un vrai zonage pour réintroduire l’espèce. «On a pensé à des solutions vraiment anormales, mais quand on fait face à une situation aussi anormale, on n’a pas le choix.» Les bénévoles chez Action boréale et les communautés autochtones luttent depuis des années pour sauver le petit troupeau. Donc, quand on se fait encore servir l’argument des consultations, c’est un peu une claque dans ’face. «Je ne sais même pas si notre solution va marcher, mais on se doit de tout essayer pour les sauver.» Essayer encore, c’est la vie d’Henri Jacob.

«Dans un sens, qu’on propose de mettre les derniers caribous dans un zoo, ça nous a un peu aidé, parce que les gens ont réalisé toute l’absurdité de la chose. Les gens sont devenus plus empathiques.» Ce que le ministre Dufour propose, on le sait c’est quoi. Et il flatte encore les compagnies forestières dans le sens du poil.

J’ai demandé à Henri Jacob s’il avait un conseil pour les jeunes activistes: «Fais attention aux beaux discours.» J’ai 23 hivers et je suis déjà amère, parce que ça ne bouge pas assez. «Le syndicat d’Unifor est content, en tout cas», a lancé une femme dans une vidéo sur Facebook. Je suis amère, mais il faut que je me rappelle ce qu’Henri m’a dit: «Les batailles sont à faire, même si tu n’es pas sûre de les gagner.» C’est une question d’altruisme, et ça fait partie de nos responsabilités en tant que société. Prends donc ta carte d’Action boréale et sauve donc les caribous avec nous autres!

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