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Qui a peur des signes religieux?

Boomer

Que ce soit clair, le projet de loi 21 interdisant le port de signes religieux à certains employés de l’État ne vise pas à asseoir et à raffermir la laïcité comme on souhaiterait nous le vendre. Ce n’est pas ça. Au Québec, la laïcité est loin d’être menacée; bien au contraire, elle ne s’est jamais aussi bien portée, elle est forte, bien ancrée et profondément enracinée dans notre culture et nos valeurs.

Cette loi ne va pas non plus assainir le climat social ni mettre fin aux tensions visant les minorités religieuses; elle ne permettra pas de tourner la page et de clore le débat sur les accommodements raisonnables, comme on voudrait nous le faire croire. Bien au contraire, cette loi galvanise et excite déjà tant les extrêmistes de la droite identitaire et xénophobe que les intégristes et les fondamentaliste­s religieux. Les organisations de défense des droits de la personne se sont mises sur le pied de guerre. Certaines institutions se préparent à la désobéissance civile. La Ville de Montréal a exprimé son désaccord.

Certaines minorités se sentent exclues, impuissantes et marginalisées. Le Québec n’a pas été aussi divisé depuis 1995.

Au fond, le projet de loi 21 s’attaque à un faux problème, irrationnel et émotif, alimenté par une peur irraisonnée de «l’immigration de masse» et par de lointains souvenirs douloureux d’une Église omnipotente. Les faits sont pourtant têtus: on sait qu’au Québec il n’y a ni juges, ni policiers, ni gardiens de prison qui portent des signes religieux visibles et qu’il n’y a jamais eu une quelconque plainte contre une enseignante voilée. Au lieu de s’attaquer au fond du problème, de rassurer et d’apaiser les peurs de la majorité en se basant sur les faits, le gouvernement choisit une solution populiste et bien commode: priver certains citoyens d’un droit fondamental inscrit dans les chartes des droits québécoise, canadienne et internationales. Un fait que le gouvernement reconnaît d’ailleurs implicitement en incluant d’office le recours à la disposition de dérogation dans son projet de loi.

En somme, on a introduit une loi liberticide pour faire «plaisir» aux électeurs de la CAQ et pour marquer des points politiques en se présentant sous l’image du dirigeant décidé. Au lieu de protéger et de défendre les droits des minorités, le gouvernement s’érige en promoteur de la loi du plus fort, au nom d’une identité et de valeurs qui seraient menacées par un foulard, une kippa ou un turban. Je me demande d’ailleurs depuis quand imposer la façon de s’habiller aux citoyens est devenu une valeur québécoise…

Ce n’est pas ça le Québec qu’on aime: démocratique, laïque, libre, tolérant, progressiste, égalitaire, inclusif, et ayant à cœur les droits de ses minorités. Nous avons souvent été à l’avant-garde des sociétés occidentales, culturellement distincts et farouchement attachés aux droits de la personne. Aujourd’hui, nous devons plus que jamais faire face à l’exclusion et à l’érosion annoncée de nos droits et libertés.

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