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Le mythe du déclin du français ou du bon usage des indicateurs linguistiques

Photo: Thinkstock

Les propos du journaliste Michel C. Auger sur le mythe du déclin du français au Québec a reçu un important écho dans les médias, y compris une présence remarquée à l’émission de Radio Canada Tout le monde en parle.  Michel C. Auger utilise plusieurs chiffres pour justifier son argument, en particulier le chiffre de 94,5% de personnes qui connaissent suffisamment le français pour soutenir une conversation. Même si cet indicateur peut être critiqué pour son caractère subjectif, d’autres indicateurs plus fiables lui donnent raison.

Depuis plusieurs années (voir par exemple mon article de 2004), j’argumente que le débat linguistique doit être basé sur des indicateurs appropriés. Quels sont-ils?  Pour évaluer l’état du français au Québec, il existe plusieurs indicateurs et en soi aucun n’est supérieur à un autre. Tout dépend des objectifs poursuivis.

Si l’on veut mesurer l’assimilation, la langue parlée à la maison combinée à la langue maternelle permet de voir dans quelle mesure il y a eu transfert linguistique vers le français. Ainsi, les personnes de langue maternelle autre que le français et qui parlent le français à la maison ont fait un transfert vers le français. Ces deux indicateurs donnent une idée du degré de l’assimilation vers le français. Ce genre d’approche a été très utilisé dans le passé pour étudier l’assimilation des Canadiens français hors Québec ou pour mesurer le poids des Canadiens français du Québec dans l’ensemble du Canada.  La langue maternelle est étroitement associée à l’origine nationale et permet de suivre l’évolution des groupes ethniques.

Aussi intéressant soient-elles, ces catégories linguistiques ne sont pas appropriées pour mesurer l’état du français au Québec en fonction de la politique linguistique du Québec. Cette politique, établie par la loi 101 et la politique d’immigration et d’intégration, poursuit deux objectifs de base: développer un modèle d’intégration pluraliste (non assimilationniste) et faire du français la langue publique commune. (D’une certaine façon, en matière d’intervention linguistique, le choix ne peut se limiter qu’à la sphère publique car le gouvernement ne peut pas légiférer pour changer la langue maternelle ni forcer les personnes à parler le français à la maison.)

Ce sont donc des indicateurs linguistiques dans la sphère publique qu’il nous faut. En 1997, le Conseil supérieur de la langue française a proposé un nouvel indicateur de langue publique basé sur une série de questions sur l’utilisation du français dans la sphère publique. À cette époque, c’est l’indicateur qui donnait le plus haut pourcentage de francophones au Québec (87%).

Malgré le nouveau besoin d’indicateurs linguistiques en lien avec les objectifs politiques des années 1990, l’Office québécois de la langue française, l’institution responsable de faire le suivi du français au Québec, n’a pas poursuivi sa recommandation de 1997 sur la nécessité de produire des indicateurs de langue publique. Ce n’est que très récemment, soit en 2016, que l’Office a produit une série d’indicateurs sur l’utilisation du français au travail et à l’école.

Ces indicateurs montrent que plus de 80% des personnes utilisent le français au travail. En ce qui concerne le monde scolaire, le français est utilisé à 90% (niveaux prématernelle, primaire et secondaire): une augmentation importante depuis 1971 alors que le français n’était utilisé qu’à 64% (Office québécois de la langue française).

On est loin du déclin de la langue française au Québec.

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