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Les bonnes mœurs d’une première dame

ST LOUIS, MO - OCTOBER 09: Melania Trump (R) greets her husband Republican presidential nominee Donald Trump after the town hall debate at Washington University on October 9, 2016 in St Louis, Missouri. This is the second of three presidential debates scheduled prior to the November 8th election. (Photo by Scott Olson/Getty Images) Photo: Getty Images

Il fallait s’y attendre, avec l’élection de Trump, les railleries sur la nouvelle Première dame allaient fuser. Depuis hier, une image présentant côte à côte Jackie Kennedy, Nancy Reagan, Michelle Obama et Melania Trump nue, circule sur les réseaux sociaux, avec la simple mention «Premières dames». Le sous-entendu de cette image est sans équivoque : parce qu’elle a posé nu lorsqu’elle était jeune, Melania Trump est indigne d’être la première dame des États-Unis.

Il y a une expression anglaise sans véritable équivalent français pour décrire ce phénomène, le slutshaming, qui consiste à humilier une femme en se basant sur ses mœurs sexuelles, dans une société qui dicte à la fois aux femmes les comportements sexuels attendus d’elles pour exciter les hommes, tout en les enjoignant d’être discrètes afin de préserver leur réputation de «bonnes filles» chastes et pures.

Des recherches démontrent que ce phénomène de stigmatisation sexuelle, qui s’inscrit bien sûr dans le sexisme, prend aussi racine dans un réseau complexe d’oppression raciale et de classe. Rire des mœurs de Melania Trump, une femme issue de l’immigration et d’un milieu modeste, c’est à la fois cultiver la misogynie, le racisme et le classisme. Ça ne nous avancera pas à grand chose de favoriser ces mêmes mécanismes qui ont permis l’élection de Trump.

Il y a une autre expression anglaise et sexiste qui n’a pas d’équivalent français, unladylike, censée identifier les comportements inacceptables pour une femme. Roter, s’asseoir les jambes écartées ou parler fort font sûrement partie des choses jugées unladylike. À cela s’ajoutent toute une panoplie d’impératifs absurdes qui vont du nom à la coupe de cheveux pour celles qui doivent être «firstladylike». Parlez-en à Hillary Clinton.

On peut bien sûr critiquer la première dame sur ses idées, ses prises de position politique ou sa vilaine tendance à plagier les discours des autres. Après tout, aux États-Unis, être la «femme de» est une fonction officielle, qui vient avec un budget et une description de tâches. Mais stigmatiser l’épouse du Président pour son passé sexuel n’est d’aucun intérêt. C’est pas comme si Donald Trump ne nous donnait pas déjà assez de matière à critiquer.

Il est pour le moins étonnant de voir des féministes oublier un moment le principe selon lequel une femme peut disposer de son corps comme elle l’entend pour disqualifier l’épouse d’un président qui se vante de taponner des vulves et dont le colistier est l’un des plus farouches opposants à l’avortement.

Par ailleurs, Melania Trump parle cinq langues : l’anglais, l’allemand, le slovène, le serbe et le français, ce qui en fait probablement la Première dame la plus polyglotte de l’histoire des États-Unis. Mais c’est probablement moins intéressant comme information que celles qui nous réconfortent dans l’idée qu’il s’agit d’une cruche conne.

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