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Le consentement entre hommes

Judith Lussier

L’organisme RÉZO lançait la semaine dernière une campagne de sensibilisation à l’importance du consentement auprès des hommes gais, bisexuels et transgenres. «Tu veux pogner? Pogne pas le cul d’un homme sans son consentement», propose une des trois affiches installées notamment dans les toilettes d’établissements du Village. Les deux autres abordent les dickpicks non sollicitées et le fait de regarder le pénis du voisin dans l’urinoir, une situation que j’ai le bonheur de n’avoir jamais eu à vivre.

Les commentaires face à ces avis démontrent le bien-fondé de la campagne, mais aussi la délicatesse du sujet. «Remplaçons les curés pour décider ce qui est Le Bien et Le Mal. Puritanisme déguisé au goût du jour!» commente quelqu’un. «C’est des féministes qui ont du temps en masse», ajoute un autre. «On croirait que les lesbiennes ont pris le contrôle de Rézo [anciennement Séro Zéro]», dit un autre.

«Je ne suis pas étonné des commentaires. Ça polarise, et on s’y attendait. C’est comme ça sur les réseaux sociaux en général, peu importe le sujet», dit Alexandre Dumont Blais, codirecteur général de RÉZO. «Ce sont des annonces punchées, ce n’est pas un séminaire sur le consentement non plus», précise-t-il. Le but de la campagne était de s’attaquer à la banalisation de certains gestes dans la communauté des hommes gais, bisexuels et transgenres, dans la foulée de #MeToo, mais en réponse aussi à une réflexion entamée lors de la sortie du brûlot d’Éric Duhaime La fin de l’homosexualité et le dernier gay, dans lequel le polémiste écrivait qu’à titre d’homme gai, «[je] n’ai pas non plus à faire attention, lorsque je drague, à ne pas franchir la “limite”, à m’assurer qu’il y a explicitement consentement de la part de l’objet de mes pulsions». L’histoire d’un autre Éric démontrera le contraire.

Mais outre les commentaires de ceux qui semblent croire que le consentement, c’est pour les mauviettes – ou les lesbiennes féministes –, on remarque aussi en réaction à la campagne de RÉZO des inquiétudes légitimes, comme celles de stigmatiser une communauté en renforçant des stéréotypes. Celui de l’homosexuel qui taponne, par exemple. «Plusieurs d’entre nous craignent que calquer des principes hétéros pour les appliquer à nos réalités ait des répercutions hétérosexistes, s’inquiète Chacha Enriquez, professeur de sociologie et activiste queer, tout en reconnaissant la nécessité d’une telle campagne. Nos relations consentantes ont été historiquement violemment réprimées et le sont toujours dans certains espaces, comme les espaces de cruise; pensons à Joël Legendre ayant reçu une amende pour avoir eu des relations consentantes la nuit dans un parc.»

D’autres mentionnent la spécificité de la communauté gaie et la difficulté d’appliquer des principes féministes à une dynamique homosociale, au sein d’une culture qui s’est définie d’abord dans une clandestinité qui incitait, disons, à aller droit au but, sans que cela ait aujourd’hui sa raison d’être. Alexandre Dumont Blais est le premier à le reconnaître, citant l’exemple des saunas, qui ont leurs codes bien à eux. «En même temps, c’est pas vrai que, quand tu entres là-dedans, tu acceptes n’importe quoi. Il y a des gars qui sont écœurés d’être sollicités après avoir dit non.» Un code que tout le monde devrait en effet comprendre.

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