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Doublement victimes

Judith Lussier

Au lendemain d’attentats djihadistes, on s’attend généralement à observer une montée de l’islamophobie. Ce phénomène est aussi injustifié que triste pour les communautés musulmanes, ainsi doublement victimes de ces tragédies. Évidemment, au lendemain d’attentats perpétrés par des hommes blancs, on ne remarque pas cette hausse de méfiance à l’égard des hommes ou des Blancs. Comme le cœur, les amalgames ont leurs raisons que la raison ne connaît pas.

Mais ce à quoi on s’attendrait moins, c’est à observer une islamophobie décomplexée au lendemain d’un attentat perpétré précisément contre la communauté musulmane. Ainsi, selon un sénateur de la Nouvelle-Zélande, l’attentat de Christchurch ne serait pas survenu si le programme d’immigration n’avait pas permis à «des musulmans fanatiques d’immigrer en Nouvelle-Zélande». Bref, c’est l’islamophobie qui tue, mais c’est l’Islam qui est pointé du doigt. Parce que «ce sont eux, les méchants, d’habitude».

On ne veut pas la faire, la commission sur le racisme systémique, sous prétexte que tous les Québécois ne sont pas racistes. Comme s’il fallait faire l’économie de notre autocritique.

Au lendemain d’un attentat commis contre la communauté musulmane, on s’attendrait plutôt à observer une forme d’introspection de la part de ceux qui peuvent inciter l’opinion publique à entretenir un sentiment négatif à l’égard d’une communauté déjà marginalisée pour éviter que de telles tragédies continuent­ de survenir.

Parce qu’en fait, les raisons de cette islamophobie­ décomplexée, on les connaît. Des médias d’ici ont décidé de ne pas partager les nouvelles portant sur l’attentat de Christchurch sur leurs réseaux sociaux, connaissant trop bien les dérapages possibles de leur public abreuvé régulièrement de reportages paniques ou d’opinions populaires contre les musulmans. On ne se retourne pas contre une communauté qui pleure ses morts si on n’a pas été conduit à croire par des discours de moins en moins codés qu’il s’agissait d’une communauté inférieure.

Mais on trouve moyen de voir une équivalence entre la souffrance qui serait infligée par cette introspection nécessaire et la souffrance vécue par les victimes de l’islamophobie. On ne veut pas entendre les critiques d’un discours qui ne fait soi-disant que critiquer légitimement l’Islam. On ne veut pas croire qu’un événement s’étant déroulé à 12 000 km d’ici ait rapport avec nous, même si le nom d’un québécois bien de souche était écrit sur l’arme qui semblait appartenir au tueur. On ne veut pas la faire, la commission sur le racisme systémique, sous prétexte que tous les Québécois ne sont pas racistes. Comme s’il fallait faire l’économie de notre autocritique, et comme si cette idée qu’il serait plus pénible de remettre en question nos comportements racistes que de continuer à faire subir le racisme n’était pas elle-même un aspect du problème.

Pourtant, qu’a-t-on à perdre à réfléchir à ce qu’on pourrait faire pour améliorer le sort des communautés marginalisées? Il y a certainement un élément de réponse dans la question.

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