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Un symbole d’oppression

Judith Lussier

Pour plusieurs féministes, le soutien-gorge est un symbole d’oppression des femmes. Ça se défend.

Ce morceau de vêtement répond à une certaine injonction de pudeur en aplanissant le mamelon qui distrait, dit-on, le regard masculin. C’est l’argument qu’avançaient récemment certaines écoles secondaires pour en imposer le port aux jeunes filles. Paradoxalement, il permet aussi au sein de se conformer à un idéal de beauté – haut et rond! – et participe à la sexualisation du corps des femmes.

En quelque sorte, le soutien-gorge illustre parfaitement le spectre très restreint de l’idéal féminin : pas trop sexy, mais quand même agréable à l’œil, svp.

Si le port du soutien-gorge ne fait techniquement l’objet d’aucune obligation, on peut avancer que son utilisation s’inscrit dans des idéologies dominantes, comme le capitalisme et le patriarcat. La création d’un besoin, à grand renfort de marketing insécurisant, à des fins commerciales : capitalisme.

Le fait qu’une direction scolaire invoque la distraction des garçons pour imposer le port du soutien-gorge aux filles montre qu’on veut faire porter aux filles le fardeau de la réussite masculine, et faire passer l’intérêt masculin avant l’égalité : patriarcat.

Pourtant, la plupart des femmes enfilent leur soutien-gorge sans s’en plaindre. Certaines le portent par habitude, d’autre par confort, d’autres encore en dépit de l’inconfort qu’il suscite. Plusieurs femmes se voient dans l’incapacité de sortir de chez elles sans ce petit coup de pouce contre la gravité. Même enrobées de plusieurs couches de vêtements, elles se sentiraient nues sans cet article.

Pour d’autres, le soutien-gorge est un symbole d’émancipation qui permet aux femmes de se sentir en pleine possession d’elles-mêmes et de leur sexualité, d’affronter le monde avec confiance.

On peut dire que le soutien-gorge revêt autant de significations qu’il y a de femmes qui le portent – ou ne le portent pas!

On peut même juger que le soutien-gorge soit un symbole d’oppression sans nécessairement vouloir s’en défaire. La contestation du soutien-gorge a longtemps été ridiculisée, l’image de la féministe brûlant son soutien-gorge représentant la caricature suprême d’un féminisme déraisonnable, voire stupide.

Je me suis personnellement émancipée de cette exigence vestimentaire en 2017. Ça s’est fait graduellement.

Depuis, je pourrais vous parler en long et en large des avantages de ne pas porter de soutien-gorge, mais je ne verserai pas dans le prosélytisme. Je suis consciente que le fait que je ne porte pas de soutien-gorge suscite parfois des malaises, mais j’empêche ce constat d’avoir une incidence sur une décision que j’ai prise pour moi.

Personne ne m’a forcée à abandonner mon soutien-gorge, et je ne juge pas celles qui continuent de se sentir plus à l’aise d’en porter un. S’il avait fallu qu’un règlement nous impose le port du soutien-gorge lorsque j’étais au secondaire, j’aurais probablement été en première ligne du mouvement de protestation.

Mais le jour où, sous prétexte de libérer les femmes de ce symbole d’oppression, on voudrait en interdire le port, je serais aussi la première à défendre mes consœurs qui préfèrent le statu quo. Peut-être même que, par solidarité, j’enfilerais à nouveau mon armure.

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