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Voter pour des phrases creuses

Plusieurs électeurs sont séduits par des phrases creuses. Des phrases qui, sans être fausses, ne veulent pas dire grand-chose et qui cachent, derrière le paravent de leur prétendue sagesse, un vide profond ou pire encore. Ces déclarations doivent leur popularité au fait que, n’étant pas fausse, on ne peut pas vraiment s’y opposer, et que, ne voulant rien dire, on peut difficilement être contre. Par exemple, «tous les goûts sont dans la nature» ou «chacun a droit à son opinion». C’est bien vrai, tout ça. Mais qu’est-ce que ça dit? Que tout étant relatif, vaut mieux mettre fin à la discussion.

La phrase creuse sert à éviter une discussion qui demande un engagement plus profond dans la relation.

La phrase creuse n’a pas que des défauts. Elle est, dans une certaine mesure, essentielle au maintien de la paix sociale et son utilisation peut, dans un contexte donné, témoigner d’une grande habileté sociale de la part de celui qui y recourt. Car, bien qu’elle ne fasse pas évoluer la société, la phrase creuse évite bien des malaises. Vous ne voulez pas nécessairement vous engager dans un débat avec une distributrice de cartes de bingo, et si vous n’êtes pas d’accord avec votre gars du dépanneur, il est peut-être plus avisé de dire «chacun a droit à son opinion» que d’essayer de changer le monde un gars de dep à la fois.

On rencontre la phrase creuse au détour d’une séance de small talk chez le coiffeur ou au cours d’un trajet en taxi, dans les relations destinées à être de très courte durée. La phrase creuse sert à éviter une discussion qui demande un engagement plus profond dans la relation. En campagne électorale, on retrouve la phrase creuse dans la bouche de Denis Coderre, un politicien qui espère une relation d’au moins quatre ans avec les Montréalais.

«Une pancarte, ça vote pas.» C’est bien vrai. Mais en quoi est-ce une justification au fait de ne pas en installer?

«Je n’arrive pas comme un cheveu sur la soupe.» En effet. Pis?

«Nous, on travaille pour les vraies affaires.» Super. Lesquelles précisément?

«On ne doit pas penser à une catégorie de citoyens par rapport aux autres.» Tout le monde est content parce que personne n’a envie d’être une «catégorie de citoyens par rapport aux autres», n’est-ce pas?

«On va livrer la marchandise.» C’est ce qu’ils disent tous.

Et que dire de : «On va arrêter de peinturer tout le monde avec le même pinceau», phrase entendue au moins trois fois dans trois entrevues différentes pour défendre le fait que la moitié des candidats de l’Équipe Coderre sont d’anciens candidats d’Union Montréal?

«Une pancarte, ça vote pas» – ça peut être séduisant pour certains, parce que c’est à la fois vrai et songé : qui aurait pensé employer une telle formule pour camoufler des restrictions budgétaires? Chez les politiciens, utiliser la phrase creuse est certainement habile, car celle-ci permet de promettre des tas de trucs imprécis sans se mettre personne à dos. Et tout le monde est content. Surtout Denis Coderre.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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