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La réputation

Photo: Facebook

Un matin, cet hiver, je suis allée déjeuner avec une de ces amies absentes des réseaux sociaux, raison principale pour laquelle un déjeuner s’impose à l’occasion. C’était l’hiver, nous avons donc parlé de la Charte. Cette amie m’a alors parlé de cette midinette, là, Dalila Awada.

Dans son discours, je comprenais que c’était la combinaison voile/maquillage qui dérangeait autant mon amie que plusieurs québécois, et probablement plusieurs intégristes musulmans, si tant est qu’il y en ait plusieurs au Québec. Les contradictions dérangent parce qu’elles confrontent nos jugements – une femme ne peut pas être à la fois voilée et maquillée, opprimée et émancipée, porter deux symboles contradictoires de l’oppression des hommes et se dire féministe de surcroit, c’est impossible, voyons! – et c’est exactement pourquoi j’admire Dalila. En s’appropriant les symboles, elle nous force à nous questionner sur nos valeurs, sur la valeur que nous conférons à ces symboles, et à tirer des conclusions qui en dérangent certains. La mienne: qui sommes-nous pour juger de l’incapacité d’une femme à choisir pour elle-même? Qu’avons-nous de si supérieur, qui nous permettrait de trancher: cette femme est soumise aux diktats de la beauté ou à ceux de la pudeur.

Mais ce n’est pas là l’objet de ma plus grande préoccupation aujourd’hui. Avec l’annonce de la poursuite par Dalila Awada du site Poste de veille pour diffamation, je me suis souvenue que mon amie, que j’ai toujours jugée dotée de discernement, m’avait dit avoir entendu quelque part que Dalila était au fond une radicale islamiste, frayant avec de dangereux terroristes. Je me suis étonnée que mon amie fréquente le site Poste de veille, que j’avais toujours considéré comme un amalgame islamophobe de théories du complot. Non, elle ne le fréquentait pas, elle avait seulement entendu parler de cette histoire quelque part. Je ne vous apprends rien ici sur les effets du bouche à oreille qui ont pu avoir lieu entre-temps. C’est ainsi qu’on souille, si facilement, une réputation.

Le procès donnera tort ou raison à la plaignante, mais ce qui me fascine le plus, dans tout ça, c’est l’obstination avec laquelle certaines personnes semblent tenir mordicus à se faire raconter de telles histoires, à se faire conter des peurs, sans grande apparence de crédibilité. Or, ce n’est pas tant pour respecter les règles que la tradition journalistique a toujours tenu la rigueur, la transparence et la véracité des faits en haute estime, mais surtout pour assurer de maintenir sa crédibilité. Quand on achète le New York Times, on a la certitude que ce qui y est écrit est vrai, et lorsque cette certitude est ébranlée, c’est un château de carte de crédibilité qui s’effondre. Les dirigeants de l’institution mettent alors tout en œuvre pour rétablir cette confiance envers les lecteurs. Malgré toutes ces précautions pour maintenir une réputation de crédibilité par les publications les plus rigoureuses, il y en aura toujours pour lire The National Enquirer.

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