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À qui appartient le Mile End

Photo: Google Maps

La mort d’un commerce est toujours triste. Surtout lorsqu’il s’agit d’un commerce à vocation culturelle, comme une librairie. Je me méfie toutefois de ceux qui sont prompts à jeter le blâme de leur échec personnel sur le dos d’un bouc émissaire vite choisi. C’est en train de devenir une véritable manie, sur le Plateau Mont-Royal. Quand ce n’est pas directement à cause du maire Ferrandez, c’est à cause de ses maudits parcomètres, ou des prix du loyer, ou des sens uniques.

Rarement l’examen de conscience ne semble avoir fait autant fausse-route au commerçant que dans le cas de la fermeture de l’Écume des jours, qui, après 15 ans d’exercice, accuse à demi-mots Ubisoft et le multiculturalisme de mettre son commerce en faillite. Aux dires des propriétaires, le quartier se serait anglicisé et embourgeoisé depuis l’arrivée d’Ubisoft à l’angle des rues Saint-Laurent et Saint-Viateur, il y a maintenant 17 ans.

J’imagine qu’on ne trouvera pas d’exemplaires de L’Apprentissage de Duddy Kravitz ou de Rue Saint-Urbain, dans la vente de feu de l’Écume des jours. Des livres qui indiqueraient à ses propriétaires que le multiculturalisme du Mile End ne date pas d’hier. En fait, le Mile End est multiculturel. Depuis toujours. C’est sa caractéristique principale. C’est la raison pour laquelle les gens l’aiment. Il est juif, grec, anglo, franco, italien, portugais. Selon les données sociodémographiques les plus récentes, toutefois, le Mile End était encore composé à 60% de francophones, et l’immigration la plus massive provenait de… la France.

Une immigration française probablement stimulée par la présence de l’un des plus importants éditeurs francophones de jeux vidéo au monde. Si vous êtes un jeune geek francophone désirant travailler dans l’industrie numérique tout en achetant vos légumes en français, en partageant un repas avec des amis français, et en fréquentant des commerces français, vous avez quelques choix : Paris, Montreuil, Québec, Chicoutimi, et Saint-Louis-du-Mile-End. Sur l’heure du dîner, vous voudrez certainement manger un sandwich au gravlax de foie gras, parce que vous en avez les moyens, ou un spécial Wilensky à 3,90$, parce que vous avez lu ça dans l’un des romans de Mordecai Richler, vous ne vous souvenez plus lequel. Et le soir, en rentrant du travail, vous arrêterez sûrement dans une librairie locale pour bouquiner un brin. Parce que vous ne pouvez contrer votre nature de nerds, et que c’est ce que les nerds font, lire des livres.

L’argent et les votes ethniques, donc? Je chercherais plus loin, si j’étais sur le point de déménager mon commerce dans Villeray. Paraît que là aussi, c’est en train de changer…

 

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