Soutenez

Le dragon cracheur de fumée

Photo: Facebook

La Presse s’excusait hier matin d’avoir publié un texte de l’ex-dragon (et bientôt ex-collaborateur à La Presse) Gaétan Frigon au sujet de la Grèce. Ce texte, qui énumérait 10 aberrations qui expliqueraient la dette grecque, était truffé de faits grappillés à gauche à droite (probablement plus à droite qu’à gauche) présentés sans contexte et sans plus d’explications.

Par exemple: «40 000 jeunes filles reçoivent une rente viagère de 1 000 euros par mois simplement parce qu’elles sont des filles célibataires de fonctionnaires décédés», ou encore «Des stimulateurs cardiaques dans les hôpitaux grecs ont été acquis à un prix 400 fois plus élevé que celui payé par les hôpitaux britanniques». Or, une majorité du contenu de ce texte provenait de sources non vérifiées. Autrement dit, entre ça et un courriel de votre belle-mère vous avertissant que selon les autorités sanitaires du Myanmar, des malfaiteurs mettent du poison dans les mangeoires à tourterelles, aucune différence. Vous pouvez d’ailleurs faire l’exercice d’entrer des bouts du texte de Frigon dans Google pour constater l’ampleur du plagiat.

Mais avant même que La Presse ne publie son mea culpa, quelques indices pouvaient nous inciter à la prudence quant au texte de M. Frigon, à commencer par son introduction: «Comme beaucoup d’autres personnes, j’ai suivi la saga de la Grèce sans trop aller en profondeur pour comprendre les raisons fondamentales de ce fiasco. À la suite de la victoire du Non lors du référendum de dimanche, j’ai décidé d’effectuer certaines recherches pour mieux comprendre la situation», écrit-il. Ainsi, l’expertise de M. Frigon, au moment d’écrire son texte, reposait sur tout au plus 48 heures de recherches.

Or, la situation de la Grèce est complexe. Elle s’inscrit dans une dynamique européenne elle-même très complexe. Son analyse requiert une bonne mise en contexte des faits. Si la Grèce a véritablement acheté des stimulateurs cardiaques à un prix sans bon sens, il doit bien y avoir une explication. Avec le contexte, souvent, viennent les nuances. Or, voilà l’autre facteur qui aurait pu nous mettre la puce à l’oreille quant au laxisme du papier de M. Frigon: son manque de nuances. Parfois, les faits sont vraiment «à faire frémir d’horreur», mais lorsque quelque chose paraît invraisemblable, il faut doubler de vigilance.

Il est normal que le commun des mortels se fasse duper par une information non véridique en ligne. Les journalistes ont l’œil plus allumé et les réflexes mieux aiguisés pour déceler une information boiteuse. Surtout, ils disposent des outils et des compétences nécessaires pour séparer le bon grain de l’ivraie.

Bien sûr, nous ne sommes pas des experts dans tout. Certains disent même, avec raison, que nous ne sommes des experts dans rien. Or, c’est à titre d’expert que M. Frigon collaborait à La Presse. Sans remettre en question ses compétences en affaires, cette mésaventure montre qu’il n’est ni un expert sur la question grecque ni un expert de la vérification des faits.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.